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ont surgi quinze scènes de dimensions diverses, où les places se louent à peu près au même prix.

Le théâtre en effet demeure l’apanage de la classe aisée, il vit de la bourgeoisie comme le journal vit du peuple. Sur 100 000 francs de recettes, dans les salles parisiennes, il n’y a pas 10 000 francs provenant de places à 3 francs et au-dessous, et il y a 80 000 francs provenant de places à 6 francs et au-dessus. Ce sont les riches qui, depuis soixante ans, ont fait passer de 5 millions, en 1848, à 25 millions, en 1908, les recettes des grands théâtres, où l’on constate la disparition progressive des petites places.

Les spectateurs qui les occupaient préfèrent les music-halls, Edens, Folies, Divans, Alcazars et Eldorados de leur quartier, où, moyennant une pièce de vingt sous, ils sont, trois heures durant, aussi divertis qu’un empereur des Mille et une Nuits au comble de la puissance, de la magnificence et de l’oisiveté. Et que peut désirer un homme raisonnable en ce monde, sinon d’être cet empereur, ne fût-ce que par cotisation ? Notre démocratie parvenue devait posséder un menu-plaisir à la mesure de ses goûts, de son intelligence et de ses ressources, comme elle a des journaux, des romans, des objets de luxe et des hommes d’Etat, d’un niveau et d’une valeur limités, mais en abondance.

Où l’on voit à quel point le milieu économique nous domine et comment seul il crée les salaires, c’est dans le partage effectif des droits entre les auteurs dramatiques. Voici une société qui organise l’égalité absolue entre ses membres, puisque débutans ou vétérans, inconnus ou célèbres, touchent le même prorata sur la recette brute, sans égard aux bénéfices ou aux pertes de l’entrepreneur. Cependant l’inégalité a beaucoup augmenté entre les auteurs, par ce seul fait matériel que la clientèle théâtrale s’étant multipliée, les pièces à succès se jouent beaucoup plus longtemps que naguère, rapportent par conséquent beaucoup plus ; tandis qu’avec le renouvellement rapide des spectacles d’autrefois, un plus grand nombre d’ouvrages avaient forcément accès à la scène et personne n’y pouvait faire de très gros profits.

Les auteurs dramatiques seraient au nombre de 4 500 si l’on comptait comme tels les 4 200 stagiaires, — le « stagiaire » est celui qui n’a pas encore cinq actes à son actif, — auteurs de