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Juifs indigènes des divers pays de l’Orient, ils ont, eux aussi, fait le plus souvent leurs études en France. Pour former des maîtres orientaux, l’Alliance israélite entretient, à Paris, une véritable école normale. C’est là un système excellent ; il mériterait d’être imité pour les écoles chrétiennes ou musulmanes[1].

Ces établissemens israélites qui prospéraient, déjà, sous l’ancien régime semblent destinés à grandir encore sous le régime constitutionnel. Comme nos écoles congréganistes, ils sont ouverts aux enfans de toute religion ; si les chrétiens y sont rares, j’y ai souvent rencontré de jeunes musulmans. Ni au point de vue politique, ni au point de vue national, ces écoles de l’Alliance israélite ne sauraient provoquer les défiances d’un gouvernement turc, d’un gouvernement jeune-turc surtout. L’enseignement s’y inspire d’un esprit vraiment moderne et d’une, large tolérance, si bien que les vieux rabbins et les vieux juifs orthodoxes le tiennent souvent en suspicion. D’autres lui reprochent de rester fermé à la propagande du « Sionisme ; » ils l’accusent de préparer la jeunesse israélite à l’assimilation avec ses compatriotes musulmans ou chrétiens, au lieu d’entretenir chez elle l’esprit de tribu, au lieu d’encourager, à l’exemple des disciples de Herzel et des récens congrès de Bâle, le rêve d’une prochaine restauration d’un Etat juif. Pour le gouvernement turc et pour tous les Ottomans, cette réserve envers le Sionisme et le récent nationalisme israélite est plutôt une recommandation. A cet égard, les Jeunes-Turcs ne diffèrent guère des Vieux-Turcs. Ils jugent que l’Empire compte déjà, en Europe et en Asie, assez de races, assez de nationalités, enclines à réclamer des institutions autonomes. Ils n’ont aucun désir de voir les Juifs ottomans ou étrangers jeter, sur les arides plateaux de la Syrie, les fondemens d’un nouveau royaume de Juda ou d’une future république d’Israël. Ils s’inquiéteraient plutôt de la foule des pèlerins juifs du Nord ou de l’Orient, que les glorieux souvenirs de la Terre Sainte et les lointaines visions des prophètes ramènent, chaque printemps, sur la montagne de Sion. Turcs anxieux de maintenir l’unité de l’Empire, Arabes jaloux d’obtenir une autonomie syrienne commencent à se défier des nombreux

  1. Les écoles de l’Alliance Israélite ne sont pas les seules écoles juives où est enseignée notre langue. Les écoles israélites de Roumanie, pays où toute action est interdite à « l’Alliance, » enseignent aussi le français, avec un succès que j’ai pu constater en visitant celles de Bucharest et de Yassy.