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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/908

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Ceci dit, — et il faut le dire, — on est plus à son aise pour reconnaître combien, dans le détail de son programme d’éducation, la sœur de Sainte-Euphémie a déployé d’ingéniosité, de souplesse, de bon sens, de réalisme même. Elle devait savoir admirablement manier les âmes, et les enfans qui subirent l’ascendant de sa personnalité dominatrice durent longtemps en garder l’empreinte.

Parmi les enfans qu’elle eut sous sa direction se trouvait sa propre nièce, Marguerite Perier, celle-là même qui, au mois de mars 1656, au plus fort de la polémique des Provinciales, fut guérie d’une fistule à l’œil gauche par l’attouchement d’ « un éclat d’une épine de la Sainte-Couronne. » Jacqueline nous a laissé tout au long, en des lettres à sa sœur Gilberte, le récit de cet événement qui lit grand bruit alors, non seulement à Port-Royal, mais dans toute la France[1]. On devine les sentimens de joie et de pieuse gratitude qui animèrent en cette occasion la sœur de Sainte-Euphémie. « C’est une double joie, écrivait-elle à Mme Perier, d’être favorisé de Dieu lorsqu’on est haï des hommes. Priez Dieu pour nous, afin qu’il nous empêche de nous élever en l’un et de nous abattre en l’autre, et qu’il nous fasse la grâce de les regarder tous deux également comme des effets de sa miséricorde. » Et ailleurs : « Tout ce qui regarde Dieu est ineffable et s’apprend beaucoup mieux par l’expérience que par les paroles. » Si Jacqueline et Blaise avaient jamais douté de la justice de leur cause, qui était celle de Port-Royal tout entier, le miracle de la Sainte-Epine, survenu en pleine bataille, leur eût enlevé toute inquiétude. Dieu, en accomplissant un miracle dans la sainte maison persécutée et dans la famille même de celui qui avait pris sa défense, Dieu ne marquait-il passa volonté expresse de ne pas abandonner ses vrais serviteurs et de leur manifester son approbation ?

  1. L’église de Linas possède aujourd’hui deux tableaux ex-voto représentant Marguerite Perier et Claude Baudran, une autre miraculée de la Sainte-Épine. Cousin, avec l’intrépidité d’affirmation sans preuve qui le caractérise, attribuait naturellement à Philippe de Champaigne le portrait de Marguerite, qu’il n’avait d’ailleurs pas vu. M. Hallays a reproduit ces deux ex-voto dans son Pèlerinage de Port Royal, et il y a finement discuté la question d’authenticité.