Quant aux preuves particulières que nous fournit M. Lang, à l’appui de son jugement sur l’importance personnelle du rôle de Jeanne dans ce « merveilleux » résultat historique, il va sans dire que je ne puis songer à les citer ici. Du moins, les pages qu’on vient de lire suffisent à indiquer l’esprit qui anime la nouvelle biographie de la Pucelle. Ce qui constitue proprement le « miracle, » aux yeux de l’historien anglais, c’est l’ensemble de l’aventure de son héroïne, la manière dont elle est parvenue à réaliser l’œuvre nationale qu’elle avait conçue. De ce fait, Jeanne lui apparaît une créature exceptionnelle ; et, après cela, il ne s’inquiète plus de rechercher encore le « miracle » dans le détail de toutes ses actions, non plus qu’il ne consent à échanger sa mission d’historien contre celle d’un « hagiographe, » assidu à se représenter toutes choses sous la catégorie de la sainteté. Avec une modération et une bonne foi absolues, il nous expose, tout au long de son récit, les témoignages négatifs en regard des autres, et jamais ne prend parti, dans les questions controversées, qu’à la condition que l’évidence des faits l’y autorise pleinement.
Certes, la jeune fille dont il nous raconte la vie se montre à nous bien différente de la créature hallucinée, mêlée de sottise et d’hypocrisie, qui, dans l’ouvrage de M. France, « simule l’extase » en prétendant répéter à Charles VII les paroles de ses « voix, » ou bien, conduite à Poitiers tandis, qu’elle s’imagine d’abord qu’on la mène à Orléans, « rappelle l’ignorance et la foi de ces pauvres gens qui, à chaque ville qu’ils voyaient devant eux, pensaient que ce fût Jérusalem. » Mais l’admiration de M. Lang pour l’intelligence et les qualités morales de la paysanne de Domremy ne l’empêche pas de nous la présenter dans une réalité tout humaine, avec sa part naturelle d’ignorance et d’erreur. Parfois nous la voyons se tromper dans l’interprétation des avertissemens de ses « voix, » comme lorsqu’elle apprend qu’elle sera bientôt « délivrée de sa captivité ; » parfois la conscience de son triomphe se traduit en elle par d’amusans accès de vanité enfantine ; et parfois même, aussi, sa faiblesse de femme, en présence de trop cruelles perspectives de souffrance et