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absorbée que par le peuple innombrable ; et ce peuple, ne pouvant l’absorber qu’à très bas prix, la quantité créait le bon marché. Elle n’eût su exister sans lui. Par une conséquence forcée, le nombre, la foule urbaine et rurale, recueillit donc elle-même le plus clair bénéfice de ce gigantesque effort où elle collaborait de son bras.

Cet effort ne porta pas toujours sur des objets indispensables ; il ne fut pas aussi efficace pour toutes les matières, parce que l’on ne peut donner des lois à la Science et lui dire : « Tu créeras de préférence ceci ou cela. » Le progrès a multiplié les étoffes, le linge, le café, les journaux, les fruits secs, le poisson salé, les tapis, la faïence, les couverts de ruolz, les dentelles-imitation ou les voyages circulaires, plus qu’il n’a multiplié les œufs, les gigots, les bottines ou les vastes logis dans les cités surpeuplées.

Cela tient à ce que jusqu’ici la demande de ces derniers articles égale ou même surpasse la production ; car plusieurs, comme les souliers, ont haussé de prix depuis un siècle. Mais rien n’empêche de prévoir que l’élevage, le commerce et l’industrie mondiale, à l’aide d’engrais et de systèmes nouveaux, décuplent ou remplacent les bestiaux et les cuirs. Et, si l’on n’a pas encore trouvé le moyen de réduire le coût des matériaux et de la main-d’œuvre pour la confection d’une maison, autant qu’on l’a fait, par exemple, pour la confection d’une chemise, d’une lampe ou d’un morceau de sucre, la création récente de railways électriques aura pour effet d’élargir, d’étirer le sol urbain, en supprimant la distance du centre des villes à leurs banlieues.

Le peuple n’a vu diminuer ou disparaître aucune de ses anciennes dépenses d’agrément, — cela lui eût été difficile, il n’en avait guère. — Quant aux dépenses désagréables, comme les obligations militaires d’acquisitions d’armes, de garde bourgeoise et, plus tard, de logement des gens de guerre et de tirage à la milice, elles ont été remplacées par notre service obligatoire de deux ans ; fardeau sans doute aussi lourd, mais d’un effet plus utile pour le bon ordre général.

Un certain nombre de marchandises lourdes, encombrantes ou promptes à se gâter, comme le bois, la paille, les fruits, qui ne circulaient pas et se trouvaient parfois à vil prix au lieu de production, ont enchéri, avec les moyens de transport, pour les consommateurs du voisinage. Quoiqu’il subsiste encore entre les