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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/153

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mais la Chambre s’attend à le voir devenir un bon debater, et c’est pourquoi elle lui accorde toute latitude pour s’entraîner et s’exercer. »


IV

Lord Randolph Churchill alla faire un voyage dans l’Inde en 1885, et c’est pendant son absence que se relâcha le lien qui unissait M. Balfour au quatrième parti. Il était rentré dans le giron de l’orthodoxie lorsque, certain soir de l’été de 1886, Gladstone fut mis en minorité sur une question sans importance à propos du budget et passa la main à ses adversaires. Une dissolution immédiate était impossible, mais lord Salisbury crut pouvoir former un ministère dans ces conditions anormales et gouverna, en effet, pendant quelques mois, sous le bon plaisir de la majorité libérale. Aux élections générales, M. Gladstone rentra triomphalement à Westminster, investi par le pays d’un nouveau mandat. Mais ce triomphe devait être de courte durée. Lorsqu’il s’agit de voter le bill qui constituait l’autonomie irlandaise, une trentaine de whigs, conduits par lord Hartington, et une quarantaine de radicaux ayant à leur tête Joseph Chamberlain abandonnèrent M. Gladstone sur le champ de bataille. Ce fut son Leipzig, sinon son Waterloo. Nouvelle dissolution, nouvelles élections. Les Unionistes étaient, cette fois, solidement établis au pouvoir ; ils allaient, sauf une interruption de 1892 à 1895, le garder vingt ans.

Dans le gouvernement de 1886, M. Balfour fut d’abord secrétaire d’Etat pour l’Ecosse. Il faut faire ici une distinction que nos habitudes parlementaires rendent malaisée à comprendre : M. Balfour faisait partie du ministère sans faire partie du Cabinet. Le ministère comporte plus de quarante postes fort inégaux en importance et subordonnés les uns aux autres ; une douzaine, seulement, parmi les titulaires de ces postes, siègent dans le Cabinet, et ce sont ceux-là qui partagent avec le Premier la direction des affaires. En cette circonstance, M. Balfour avait décliné, dit-on, une place dans le Cabinet, dans la crainte qu’on n’accusât la famille Cecil de monopoliser, à son profit, les grandes charges de l’Etat. Cependant cette place, que repoussait sa modestie, lui fut attribuée un peu plus tard, sur la plainte de l’Ecosse qui était humiliée, paraît-il, de voir son ministre dans