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peu nombreux et sans organisation ; le succès du mouvement est dû surtout à la discipline des guildes ; le mot d’ordre de leurs chefs, transmis de ville en ville, propagé comme une traînée de poudre, est obéi aveuglément ; les négocians, même au prix de grosses pertes, ne font plus de commandes aux Etats-Unis et vont chercher dans d’autres pays les articles dont ils ont besoin. Il n’est pas jusqu’aux associations d’acteurs qui ne s’associent aux représailles : elles sont invitées, par les chefs des corporations, à prêcher, pendant les représentations, la lutte contrôles Américains !

C’est à Canton, dans la grande métropole de la Chine méridionale, que le mouvement de boycottage trouve le terrain le mieux préparé pour son succès. Les Cantonais sont à la tête du mouvement réformiste et nationaliste ; ils n’ont jamais supporté qu’en frémissant le joug des Mandchoux et toutes les tentatives révolutionnaires ou particularistes ont trouvé chez eux des partisans ; nous avons raconté ici, en leur temps, les insurrections dirigées par Sun-Yat-Sen.

Dès la fin de mai, le boycottage, organisé par les guildes, est général à Canton. Le 20 juillet, dans un grand meeting, les Cantonais proclament leur résolution de n’acheter et de ne vendre aucun article de provenance américaine et de mettre à l’index tout Chinois qui entretiendrait des relations avec des Américains. Des placards, affichés sur les murs, enjoignent à tous les habitans, au nom du patriotisme, d’avoir à se conformer à ces résolutions ; de longs cortèges parcourent les rues avec des bannières dont les inscriptions dénoncent les méfaits des Américains et affirment le devoir pour tout Chinois de châtier leur insolence. A la fin d’août, quand le boycottage commence à se relâcher dans la Chine du Nord, il sévit plus rigoureusement que jamais à Canton : l’assemblée générale des guildes, qui conduit le mouvement, annonce qu’elle prendra à sa charge les pertes causées par les fluctuations des changes et indemnisera les négocians lésés par le boycottage ; elle fait installer des salles d’échantillons où sont exposées les marques boycottées et les produits similaires qui peuvent les remplacer ; les grandes maisons d’importation s’adressent en Australie, pour suppléer les farines américaines, et aux Indes néerlandaises pour le pétrole. Une proclamation conciliante du vice-roi, qui conseille d’ajourner à la fin de l’année la mise en pratique du boycottage, est lacérée. Les