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communautés commerçantes chinoises prennent part au boycottage. A Hong-Kong, qui reçoit près de 50 millions de francs de marchandises américaines par an et qui les réexpédie dans l’Empire du Milieu, la Chambre de commerce chinoise (chinese commercial Union) s’émeut et veut, elle aussi, faire montre de son patriotisme économique ; mais les autorités anglaises s’opposent à l’organisation du boycottage. La plèbe chinoise de Hong-Kong, où de nombreux réfugiés forment un élément turbulent et révolutionnaire, essaie, de son côté, des manifestations dans la rue que la police anglaise a beaucoup de peine à réprimer. M. Taft, à son passage dans l’île, écoute les doléances des commerçans chinois et américains et convient que les règlemens en vigueur à San Francisco sont trop rigoureux, mais il proteste contre le boycottage illégal et contraire aux traités. Son intervention n’empêche pas les commandes des négocians chinois aux États-Unis de diminuer dans de fortes proportions.

Il paraît avéré que, durant les premières semaines, le gouvernement de Pékin ne découragea pas le boycottage ; peut-être même en fut-il secrètement l’instigateur. Dans plusieurs villes, les autorités inspirèrent les chefs des guildes, mais toujours assez discrètement pour pouvoir le nier. Presque partout on constata, au moins, la neutralité bienveillante des fonctionnaires. A Chang-Haï, à la fin du mois d’août, un délégué du ministre du Commerce, nommé Tchang-Tchien, vint s’aboucher avec les négocians chinois pour organiser le boycottage, tout en épargnant de trop grandes pertes eu commerce ; on le vit interdire l’achat des articles américains et infliger des amendes à des commerçans coupables d’en avoir acheté.

Lorsqu’il eut réuni quelques preuves de la complicité occulte du gouvernement chinois, M. Roosevelt prescrivit à M. Rockhill, ministre des États-Unis à Pékin, de déclarer au Ouaï-Vou-Pou que le gouvernement serait tenu pour responsable du dommage causé aux Américains ; mais, en même temps, le président rédigeait un message conciliant où il annonçait que les règlemens en vigueur allaient être révisés dans un esprit de tolérance et de libéralisme. Le prince Ching, sur les instances de M. Rockhill, publia un édit interdisant le boycottage ; d’autres édits suivirent celui-là : satisfaction platonique ! Le mouvement anti-américain était trop violemment déchaîné pour être arrêté d’un seul coup ; le Ouaï-Vou-Pou, même dans son désir sincère de ne