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on a dit que ce Comité, après avoir fait la révolution, de juillet, aurait dû laisser au gouvernement du lendemain des allures plus libres ; en lin de compte, Hilmi pacha s’est trouvé dans une situation très contestée, et l’opposition contre la Jeune-Turquie a pris dans une partie de l’opinion un véritable caractère de violence. Un incident particulier a produit, par surcroit, une impression profonde : le rédacteur en chef du journal « libéral » Servesti, Hassan Phemi bey, a été tué à coups de revolver sur le pont de Galata. Le meurtrier, qui portait, dit-on, l’uniforme d’officier, s’est enfui et n’a pas été retrouvé. Rien n’autorisait à rendre le Comité Union et Progrès responsable de ce meurtre, mais l’opinion publique se détermine par de premières impressions, souvent plus passionnées que justes. L’assassinat du malheureux journaliste a augmenté encore le malaise général, et si une pensée vigilante surveillait les événemens dans un lieu sombre, elle a pu croire que la situation arrivait à ce point de maturité où il suffirait d’une surprise comme celle du mois de juillet dernier, mais en sens contraire, pour mettre en cause les résultats de la révolution, ou plutôt pour les supprimer.

C’est alors qu’a éclaté l’émeute du 13 avril : les journaux l’ont racontée avec des détails très abondans dont il est encore difficile de contrôler la parfaite exactitude. Le seul fait certain est que Constantinople a été livrée pendant quarante-huit heures à la soldatesque. La révolution de juillet avait été le fait des officiers, la révolution d’avril a été celui des soldats. Non seulement les soldats n’étaient pas conduits par leurs officiers, mais on a raconté depuis l’événement que ceux-ci avaient été enfermés dans les casernes et que plusieurs d’entre eux avaient été lâchement assassinés : on a même parlé de plusieurs centaines de victimes. Les soldats, sans commandement apparent, se sont portés du côté du Parlement, dont ils ont criblé les murs de balles. Ils n’ont guère trouvé de résistance qu’au ministère de la Guerre, ou Séraskiérat, qui a été protégé par la cavalerie. Les mutins, il faut cependant le dire, auraient pu faire beaucoup plus de dégâts qu’ils n’en ont fait : ils ont tiré un grand nombre de coups de fusil, ils ont tué quelques passans, et après avoir fait parvenir au Sultan un certain nombre de réclamations que celui-ci était sans doute préparé à recevoir, ils sont rentrés dans leurs casernes, où une amnistie les a couverts aussitôt. Naturellement le ministère a été renversé. Hilmi pacha a été remplacé par Tewtik pacha.

La principale revendication des soldats a porté sur la loi religieuse, qui, d’après eux, n’avait pas été dans ces derniers mois assez