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LE SOUFFLET DE BISMARCK


I

Dans la nuit du 12 au 13, Benedetti reçoit la dépêche de Gramont de sept heures du soir. Il a raconté depuis qu’il jugea inutile, inopportune et dangereuse la demande de garanties exigée par cette dépêche : « Ces garanties étaient-elles indispensables, et quelles raisons avait-on de présumer que le roi de Prusse, sorti de ce conflit non sans dommage pour son prestige, aurait pu consentir à y rentrer ? Comment admettre que le Roi, après avoir approuvé, dans une communication faite à l’ambassadeur de France, la résolution de son neveu, aurait pu, aurait voulu l’autoriser à reprendre sa candidature ? » Puisque Benedetti pensait ainsi, il devait ne pas faire sans observations une démarche dont il apercevait les conséquences fâcheuses. Y était-il contraint par ses obligations d’ambassadeur ? Un ambassadeur n’est pas simplement un téléphone qui transmet la parole de son gouvernement. Sans doute, il est cela, mais il est plus encore, un informateur, un conseiller astreint à une initiative éveillée. Benedetti lui-même pratiqua souvent avec à-propos cette règle : il dissuada de demander à l’Italie, en 1860, la garantie du pouvoir pontifical et fit écarter certaines clauses dans le traité relatif à la conquête de la Belgique en 1866. Il se l’était rappelé dans cette négociation d’Ems même : il avait tenu un langage plus modéré que celui qu’on lui avait prescrit, il n’avait point voulu parler d’ordres, mais de conseils, et avait refusé d’informer le Roi de l’envoi, par Serrano, d’un messager au prince Léopold. Les