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porter atteinte à la dignité nationale. » (Exclamations et mouvemens en sens divers.)

Jérôme David eut beau retirer le mot dérisoire ; la partie était provisoirement perdue, sous les exclamations et les murmures même de la Droite. On ne peut comprendre, quand on n’a pas siégé dans les assemblées, ces mouvemens instantanés qui, aux jours de crise, déplacent la majorité et la rejettent de l’avis qu’elle paraissait avoir adopté avec passion à l’avis diamétralement opposé : toutes les assemblées sont peuple. Gramont, en protestant contre les paroles de Jérôme David, proposa que le jour de la discussion fût fixé au vendredi 15. Clément Duvernois ne contesta pas. Jérôme David ne se risqua plus à intervenir. Seul Kératry, scellant l’union en train de se conclure entre une portion de la Gauche et la Droite, réclama : « Vous aviez adressé un ultimatum au roi de Prusse, en lui donnant trois jours pour répondre. Ces trois jours sont expirés depuis avant-hier ; si vous ajournez à vendredi, vous faites le jeu de M. de Bismarck, qui se joue de vous. Comme Français, je proteste au nom du pays. » Kératry n’avait pas tort de croire que Bismarck se jouait de la France, mais je ne sais où il avait pris que nous avions donné trois jours au roi de Prusse pour répondre. — L’Assemblée passa outre, et la discussion fut renvoyée au vendredi. Les visages redevinrent sourians. Quelques-uns furent francs : « Vous devez de la reconnaissance, nous dirent-ils, à la brutalité maladroite de Jérôme David : elle vous a sauvés ; sans elle, vous étiez renversés aujourd’hui. » Du reste Lyons, nonobstant notre victoire, ne se méprit pas sur les dispositions de la majorité : « Il n’y a pas eu de manifestation très violente d’opinion, à la Chambre, mais, écrit-il à Granville au sortir de la séance, il est évident que le parti de la guerre a le dessus. »

Du Corps législatif, Gramont se rendit au Sénat. Il y fut accueilli par des manifestations plus accentuées. C’est à qui exprimerait ses impatiences belliqueuses. « Mais ce n’est rien du tout ! s’écria-t-on de divers côtés après la lecture de sa déclaration. — Cela n’apprend rien sur l’attitude de la Prusse. — Et l’article 5 du traité de Prague ? ajoutait Larrabit. — Votre communication, disait Hubert Delisle, parle bien d’une renonciation, sans dire si elle émane du prince ou de son père ; elle ne dit pas si un assentiment quelconque résulte des négociations engagées avec la Prusse. » Il conclut par la nécessité de donner à la