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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/340

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LES
ÉLITES ORIENTALES

JUIFS ET CHRÉTIENS


I

Pour descendre vers Engaddi et la Mer-Morte par le désert de Juda, j’avais deux guides, l’un chrétien, l’autre musulman. Le premier, nommé Ibrahim, était un Syrien de Jérusalem ; le second, qui s’appelait Abdallah, était un Bédouin nomade des environs de Bethléem. Rien de plus dissemblable comme extérieur, comme allures et comme caractère que ces deux individus, dont les fonctions étaient pareilles, qui parlaient à peu près la même langue et qui portaient les mêmes noms arabes.

Ibrahim avait la haute main sur nos muletiers et nos goujats, Abdallah conduisait la caravane et répondait de nos personnes devant les tribus que nous traversions. Le premier dressait la tente, s’occupait de la cuisine et cirait les bottes ; le second égorgeait les agneaux ou, chasseur intrépide, faisait chanter la poudre. Ibrahim allait à cheval, Abdallah, constamment à pied. Mais, tandis que le Syrien sur sa monture était un cavalier sans prestige, le Bédouin pédestre était admirable de crânerie. Il fallait le voir, quand il marchait en avant de la colonne, plus rapide que nos chevaux, les jarrets souples et toujours bondissants, la taille svelte, les deux mains accrochées à son long fusil, qu’il tenait couché en travers des épaules, la tête droite, ses prunelles