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IV

Les Syriens et les Juifs sont deux peuples consanguins. Issus de la même souche sémitique, ils se ressemblent beaucoup ; ils ont à peu près les mêmes défauts et les mêmes qualités. Les uns et les autres ont su garder leur foi intacte pendant des siècles, en dépit de toutes les persécutions. Ils ont résisté aux Arabes comme aux Turcs, ont lutté avec une énergie admirable contre l’absorption musulmane. Et pourtant ils ne se sont jamais confondus : ils diffèrent peut-être autant qu’ils se ressemblent. En tout cas, le Syrien est bien plus près de nous que le Juif. A part quelques Turcs de la haute classe, je ne vois pas d’Oriental dont la mentalité soit plus voisine de la nôtre.

C’est aussi que nul pays d’Orient n’est plus pénétré et travaillé par l’esprit européen, — je devrais dire l’esprit catholique et français. Enfin, si l’Egypte se considère comme ta tête pensante de l’Islam méridional, la Syrie peut être considérée comme le centre intellectuel de la chrétienté orientale, avec Beyrouth pour capitale. Beyrouth est une ville savante autant qu’une ville de commerce et de transit. Ses deux universités rivales, — celle des Jésuites et celle de la Mission protestante américaine, — exercent un véritable magistère sur toutes les contrées environnantes ; leur attraction se fait sentir jusqu’en Egypte, et, à travers l’Anatolie, jusqu’à Constantinople. Les écoles abondent dans la région : écoles de toutes catégories depuis l’humble établissement primaire des Frères de la Doctrine chrétienne jusqu’aux fastueux collèges des Lazaristes, des Jésuites et des Franciscains. Il y va une sorte d’émulation internationale et interconfessionnelle pour cultiver l’intelligence naturellement vive des jeunes Syriens. »

Mais ce n’est pas seulement l’instruction qui les émancipe, c’est encore et surtout le frottement avec l’étranger. Les Syriens s’expatrient volontiers. Ils émigrent en masse, aussi bien les simples fellahs que les élèves des écoles et des Facultés. L’Amérique principalement fascine ces travailleurs pauvres. Il y a, maintenant, aux Etats-Unis des colonies syriennes très nombreuses, si nombreuses même qu’il a fallu leur envoyer des prêtres pour desservir leurs églises. Bientôt on verra, à New-York, un évêque maronite, s’il n’existe déjà. Ceux qui sont munis de diplômes ou