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avec la Colombie. Ils voulaient obtenir d’elle l’autorisation de racheter sa concession à la Compagnie nouvelle du canal de Panama, et le droit d’achever et d’exploiter eux-mêmes le canal, et d’exercer des droits de police et de surveillance dans une zone limitrophe de celui-ci. Une convention avait été conclue, approuvée même par le Sénat des Etats-Unis, mais le Sénat de Colombie refusa de la ratifier. Le 3 novembre 1904, une révolution éclatait dans l’Etat de Panama, qui proclamait son indépendance et entamait aussitôt des négociations avec le gouvernement américain. Le 18, un traité était signé : les Etats-Unis recevaient en toute propriété le territoire nécessaire pour la construction du canal ; en retour, ils s’engageaient à protéger la nouvelle République. Ainsi, malgré leurs dénégations souvent répétées, ils n’avaient pas hésité à profiter des circonstances, à les faire naître même, disait-on, pour réaliser un dessein depuis longtemps caressé : construire le canal interocéanique en territoire américain.

La tâche du secrétaire d’Etat était rendue singulièrement difficile par cet ensemble de circonstances, si aisées à exploiter contre les Etats-Unis dans l’opinion sud-américaine. Heureusement, il put s’assurer le concours de deux pays qui ont de nombreux liens d’intérêts avec eux : le Mexique et le Brésil[1], auxquels ils prennent plus des deux tiers pour le premier et la moitié pour le second de leurs exportations. La résistance la plus difficile à vaincre fut celle de la République Argentine. Celle-ci, sans opposer un refus absolu, s’efforça, par ses exigences, de rendre impossible la réunion projetée. Elle demandait que la doctrine de Drago fut soumise à la conférence, afin de permettre aux nations du Nouveau-Monde de lui donner une adhésion solennelle. Le gouvernement américain ne pouvait revenir sur l’opinion contraire qu’il avait officiellement affirmée. Il n’était pas prudent non plus de combattre ouvertement cette doctrine. Il proposa une transaction : le congrès se bornerait à demander à « la seconde conférence de la paix, à La Haye, d’exprimer son opinion sur la question de savoir jusqu’à quel point, si toutefois le principe est admis, l’usage de la force pour le recouvrement des dettes publiques peut être autorisé. » Cette proposition reçut l’appui du Mexique et du Brésil, inquiets des résultats que

  1. Ces États sont les seuls de l’Amérique latine auprès desquels les États-Unis entretiennent des ambassadeurs.