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tenter pour l’éviter ; et enfin parce que notre cause est juste et qu’elle est confiée à l’armée française. » (Vives et nombreuses marques d’approbation. — Nouveaux applaudissemens.)

Combien de fois mes ennemis ne m’ont-ils pas poursuivi, devant la tourbe ignorante d’en haut et d’en bas, de ce mot de cœur léger ! C’est devenu un cliché lorsqu’on veut m’attaquer. Fût-il vrai qu’à ce moment, excédé par les angoisses, les fatigues, les insomnies, obligé de répondre seul à des orateurs puissans, n’ayant pas eu le loisir de réfléchir une minute à l’ordonnance et aux termes de mes discours, il me fût échappé une expression impropre, le commentaire que j’en donnai aussitôt ne permettait plus loyalement aucun malentendu sur la véritable portée de mon langage, et personne n’avait plus le droit, sans cesser d’être un honnête homme, d’y relever un aveu révoltant de dureté ou d’insouciance. Tout au plus les juges du talent auraient-ils pu y critiquer une défaillance de l’orateur ou du lettré. Mais mon expression est aussi irréprochable que le sentiment qu’elle manifestait, et sa correction littéraire ne peut pas faire doute plus que sa rectitude morale. Je ne l’efface pas.


IV

Buffet, Jules Favre, exigèrent l’exhibition de la dépêche prussienne aux cours étrangères. Comment pouvais-je exhiber une dépêche envoyée à des tiers et qui ne m’était pas adressée ? Les Cabinets mêmes auxquels elle avait été communiquée n’auraient pu nous la procurer, puisqu’elle leur avait été lue et non laissée en copie. Bismarck seul aurait pu nous en donner le texte original. Nous ne pouvions, nous, produire que les dépêches de nos agens qui nous transmettaient ce texte d’après les rapports de ceux auxquels il en avait été officiellement donné lecture. Et ces dépêches de nos agens, nous ne refusions pas de les communiquer. Je me préparai à donner ces explications et à dire à Buffet : « Amendez correctement votre proposition, réduisez-la à la demande des documens expédiés par le gouvernement français ou reçus par lui, et nous l’acceptons. » Une explosion de cris : « Ne répondez pas ! ne répondez pas ! » m’empêcha de prononcer un mot, et la proposition de Jules Favre fut repoussée par 159 voix contre 84. Les bureaux donnèrent à une commission le mandat d’exiger des communications complètes, et