Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/568

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvert à Ecouen un pensionnat célèbre, devenu le berceau des maisons de la Légion d’honneur. Olympe de Saint-Luc y reçut une éducation qui, au point de vue intellectuel, était assez forte pour le temps, mais qui, au point de vue moral et surtout religieux, était peut-être insuffisante. Bien des années après, dans une lettre à une amie, elle jugeait cette éducation et surtout elle-même avec une sévérité excessive :


Je me débats dans mon imperfection pour tirer de moi quelque chose d’utile à mes enfans, et ce quelque chose, je l’extrais à grand’peine d’une nature violente, passionnée, inégale, sur laquelle l’éducation n’a point passé lorsqu’elle était encore maniable, et qui depuis, raidie par l’âge et l’habitude, ne s’est ployée qu’avec effort et incomplètement devant de tardives convictions. Je me pleure de bien bonne foi en reconnaissant ce que je suis et en entrevoyant ce que j’aurais pu être si l’on m’avait élevée comme je tâche d’élever ceux dont la destinée m’est confiée. J’espère qu’il ne sera pas vrai pour eux que les fautes des pères soient perdues pour les enfans…


Les défauts dont elle s’accusait avec une humilité si touchante n’étaient que ceux d’une très noble et généreuse nature. Toute sa vie, elle demeura en effet ardente, impétueuse, sujette à des impulsions brusques où le cœur l’emportait parfois sur la raison. Elle ne pouvait se défendre d’apporter dans toutes les relations, dans toutes les affections, quelle qu’en fût la nature, des exigences excessives. Donnant beaucoup, elle croyait fréquemment ne pas recevoir autant qu’elle donnait. « Elle aurait voulu, m’a dit une personne de sa famille, être aimée, comme Dieu, d’un amour exclusif. » Elle-même n’était cependant pas exclusive et savait au contraire, dans les affections les plus diverses, faire à chacun une large part. A un ami d’enfance qui craignait précisément qu’une affection nouvelle ne portât quelque préjudice à celle qu’elle lui portait d’ancienne date, elle faisait cette jolie réponse : « Rassurez-vous ; votre amitié m’est plus que jamais nécessaire ; en ce genre, le cœur n’a pas trop de tout. »

A dix-sept ans, Olympe de Saint-Luc fut mariée à un petit gentilhomme, M. de Lacan, qui eut de graves torts envers elle, et dont elle ne tarda pas à se séparer. Libre de tous devoirs, elle mena, pendant une dizaine d’années, la vie du monde, fréquentant de préférence les salons qui, durant les dernières années de l’Empire ou les premières de la Restauration, avaient conservé les traditions du XVIIIe siècle, entre autres celui de la