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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/588

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fiévreuse. Ce qui en rend la lecture assez déplaisante, c’est qu’elles sont d’une violence politique incroyable. A dire vrai, quelques-unes de celles qu’il adressait à Mme Cottu, durant les dernières années de la Restauration, avaient déjà ce caractère. En présence de la contradiction, le ton devenait rapidement chez lui blessant et insulteur. Il avait pris ces habitudes de polémique depuis sa collaboration fréquente aux journaux les plus violens de l’extrême droite, le Conservateur et le Drapeau blanc. C’est ainsi qu’après avoir qualifié « de la plus dégoûtante farce qui ait jamais été donnée au monde » la politique suivie par le ministère Villèle, il s’exprime ainsi sur le compte de M. de Villèle lui-même : « Cette espèce d’obstination aveugle et violente, cette rage de désir avec laquelle il se cramponne au pouvoir qui lui échappe, ne m’est pas seulement incompréhensible, mais elle m’effraye comme une vision de l’enfer… Oh ! quel affreux supplice que celui qui sort de l’orgueil ! On se rit de la religion quand elle parle des damnés ; on dit : Où sont-ils et qui les a vus ? Eh bien ! en voilà un, regardez. »

Si, en 1827, Villèle est, aux yeux de Lamennais, le type du damné, on peut penser comme il parle de Louis-Philippe et de ses ministres. « La conduite du gouvernement, écrit-il, est un miracle permanent de bêtise, mais dans cette bêtise, il y a aussi du crime. » Tantôt il parle « de la fourberie du gouvernement, » tantôt « du plat despotisme qui règne sur la France et la couvre de sa bave dégoûtante. » Sa colère s’étend plus loin, et dépasse les limites de la France. « En voyant, écrit-il, toutes les calamités que quelques hommes font peser sur le monde pour leur seul intérêt, je prends en horreur tout ce qui s’appelle roi. » Et dans une autre lettre : « Les vieilles monarchies sont condamnées, et nous assistons à leur supplice. » Aussi n’y a-t-il pas de calamités qu’il ne prévoie : guerre européenne, guerre civile, invasion, misère, choléra. Peu s’en faut qu’il ne souhaite ces extrémités, car elles tireraient la France de la fange où elle croupit. Et cependant, cette France qu’il met si bas, il ne peut s’empêcher d’avoir confiance en son avenir. Il croit à ses destinées. « La France est dégradée par son infâme et lâche gouvernement ; elle se relèvera plus brillante, plus grande et plus forte, dès que l’heure qui l’attend aura sonné, parce qu’elle porte en son sein les destinées du monde. » Au travers de toutes ces violences, on trouve sous sa plume l’expression d’un sentiment