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Quant au mouflon, l’ovis musimon, identique à celui de Corse, il est de nos jours le seul représentant sauvage de l’espèce Ovis en Europe, si nous considérons que le mouflon de Chypre, l’ovis orientalis ophion est à ranger dans la faune asiatique.

Quelques grands propriétaires autrichiens ont bien transporté dans leurs chasses des mouflons de Corse ou de Sardaigne ; ils y prospèrent ; mais comme il n’y a là qu’un cas d’acclimatation, c’est dans les îles dont il est actuellement originaire que nous allons rapidement l’étudier.

Bien souvent on m’a posé cette question : « Sont-ils nombreux ? » Je vais y répondre tout de suite : non, ils ne sont pas nombreux. Et surtout, leur habitat se limite à une partie restreinte de la Sardaigne, car on ne les rencontre guère que dans le massif du Gennargentu, c’est-à-dire à une certaine altitude. D’une extrême sauvagerie, merveilleusement doués par la nature, ils possèdent, à un rare degré, les qualités de l’ouïe, de la vue, et surtout de l’odorat. A deux ou trois kilomètres de distance, ils sentent l’homme placé à mauvais vent et disparaissent ; c’est du reste grâce à cet extraordinaire instinct qu’ils doivent de n’avoir pas été exterminés jusqu’au dernier.

La femelle généralement n’a pas de cornes, elle pèse de 20 à 25 kilos ; son pelage gris, couleur terre, se confond avec le sol. A la fin de mars ou au commencement d’avril, elle met bas un seul petit. Le mâle, un animal superbe de formes, souple, râblé, tout en restant élégant, porte sur la tête des cornes massives, bien roulées, très annelées, d’une coloration noire ou jaune suivant l’individu ; le poids de sa tête est considérable par rapport à celui de son corps. Un bon mâle pèse en hiver 25 kilos, en été de 35 à 40, et la tête seule de l’un d’eux atteignait 7 kilos. Sa robe, d’un brun foncé, est marquée sur le milieu du dos et sur les côtes d’une large selle grise. Mâles et femelles errent pendant presque toute l’année par petites bandes très variables comme nombre. J’en ai rencontré de vingt à vingt-cinq animaux comme aussi de trois à quatre seulement. Les plus vieux mâles vivent presque toujours seuls.

Tandis que les femelles paissent tranquillement, les béliers se battent continuellement entre eux sans motif apparent. Après s’être défiés, ils se reculent, se précipitent tête baissée l’un sur l’autre, les cornes s’entre-choquent ; étourdis, ils restent un instant