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pied de ces constructions, semble confirmer cette assertion.

Les nuraghes ont donné leur nom au peuple qui les ont élevés. Nous n’avons pas d’autres termes pour le désigner. M. Nissardi, inspecteur du service des antiquités, Sarde de naissance, dont le savoir n’a d’égal que la modestie, le savant le mieux qualifié pour parler sur ce sujet, car depuis plus de trente ans il y a consacré tout son temps, a bien voulu, en me faisant visiter le musée de Cagliari, me donner un résumé des connaissances actuelles sur ces populations encore très mystérieuses, puisqu’elles n’ont pas laissé une seule ligne d’écriture.

D’après M. Nissardi, les hommes des nuraghes, originaires d’Asie, sans doute de l’Asie occidentale, après être descendus en Phénicie, entre 2 000 et 1 500 ans avant Jésus-Christ, avoir traversé l’Egypte, la Tripolitaine, la Tunisie, seraient peut-être venus de là directement en Sardaigne, la distance est courte, on ne compte que 200 kilomètres de Bizerte à Cagliari. Mais il lui paraît plus vraisemblable de croire qu’ils continuèrent leur route, en longeant la côte par l’Algérie, le Maroc, d’où ils seraient passés en Espagne au détroit de Gibraltar, puis, par les Baléares, auraient gagné la Sardaigne. Ce qui donne du crédit à cette dernière hypothèse, c’est que l’on trouve aux Baléares des monumens, les « talajots, » ayant une certaine ressemblance avec les nuraghes, mais d’une construction plus fruste, plus primitive. Ainsi l’escalier donnant accès au sommet est presque toujours extérieur dans les talajots, tandis qu’il est intérieur et par conséquent plus difficile à établir dans les nuraghes.

Les nuraghes (on a relevé l’existence d’environ 6 000 d’entre eux encore debout, ou dont il ne reste plus que les fondations) offrent quatre types distincts, marquant les différentes étapes du perfectionnement dans l’art de les construire.

Le type le plus ancien se ramène à des roches naturelles dont les interstices étaient comblés avec des pierres. Sur la plateforme devait s’élever une cabane de bois conique semblable aux huttes des bergers telles qu’on les rencontre encore aujourd’hui dans la montagne. Dans le second type, les roches naturelles ne servent plus que comme assises ; l’édifice est entièrement fait de main d’homme, les pierres très bien taillées sont placées sans ciment, un corridor conduit à une chambre aménagée à l’intérieur. Cette chambre est ovoïde par suite de la disposition des couches de pierres qui font saillie les unes sur les autres ;