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LES
MASQUES ET LES VISAGES
AUX CENT PORTRAITS FRANÇAIS ET ANGLAIS
DU XVIIIe SIÈCLE

Il y a, parmi les portraits de femmes anglais et français, en ce moment réunis aux Tuileries, dans les salles du Jeu de Paume une belle dame peinte par Nattier, au moment où elle vient d’ôter son masque. Elle tient encore, du bout de ses doigts roses, le morceau de visage noir aux yeux vides et elle regarde, droit devant elle, avec une triomphante sérénité, comme quelqu’un qui n’a rien à cacher de sa figure, ni de son cœur. Ce geste fréquent dans les portraits du XVIIIe siècle et que nous chercherions vainement parmi nos contemporaines, est-il l’indice que cette époque, plus que la nôtre, était celle de la franchise, de l’abandon et de la simplicité ? Et, le masque ôté, voyons-nous réellement le visage ? Ou bien reste-t-il, même après que le loup de velours a disparu, bien des masques moins apparens, quoique peut-être plus lourds, superposés à la réelle figure ?

On a souvent noté que tous les portraits d’une même époque ont un air de ressemblance et presque de famille. Est-ce donc un masque appliqué par la mode ? On a encore noté que les portraits des héros ou des héroïnes, épiques ou romanesques, ne reflètent pas toujours les passions violentes de leur âme. Est-il donc un masque appliqué par la volonté ? On a noté parfois que les grands artistes nous révèlent, chez leurs modèles, des figures tout à fait inattendues, en sorte que telles beautés