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avait l’habitude de recourir à la nature, il n’était pas sans un considérable mérite, — assez pour être suivi par la moitié des artistes de son pays. Il avait souvent de la grâce et de la beauté et une grande adresse de composition ; mais tout cela dominé par le mauvais goût : ses imitateurs sont vraiment abominables… »

Cette horreur de l’affectation et de la forme convenue a gardé les Anglais de suivre, de trop près, les modes de leur temps. Longtemps ils ont cherché à draper leurs modèles à la manière de Van Dyck, non parce que le maître faisait ainsi, mais, dit Reynolds, « à cause de la simplicité de ces robes consistant en peu de chose de plus qu’un simple morceau de draperie, sans ces formes fantastiquement capricieuses dont les autres costumes sont embarrassés. » Jamais ils n’admettront ces jupons à cerceaux, ces hoop petticoats qui se promenaient dans les rues de Londres en 1711, et qui furent apportés à Paris en 1718 par les dames anglaises. On ne pourrait identifier, dans la salle anglaise, presque aucun costume, aucune coiffure. A peine reconnaît-on, dans le portrait ovale de la reine Charlotte, le bonnet demi-rond, dit à la Laitière, dans celui des deux demoiselles de la famille Bulwer, par Northcote, la frisure élevée à la coque saillante avec un rang de perles mis en bandeau, ou la frisure à boucles détachées de lady Betty Foster. Le reste est fantaisie. Dès qu’on passe dans la salle française, au contraire, on les identifie fort bien. Le panier à coudesMarie-Antoinette (n° 62) est installée par Drouais, la toilette turque dont se pare cette jeune géante, Mlle de Romans, occupée à plumer un Amour comme une volaille, les coiffures en tapé, les corps, les engageantes, les échelles de rubans de toutes ces dames pourraient illustrer un journal de modes.

Dans le magnifique recueil et consciencieux travail que MM. Léandre Vaillat et Ratouis de Limay viennent de consacrer à Perronneau[1], la toilette de chaque portrait a pu être définie à ce point que souvent un nœud est une date et une frisure un certificat de vie à une époque déterminée. En regardant la dame de Sorquainville, peinte en 1749, qui porte ici le n° 88, M. Léandre Vaillat retrouve aisément tous les atours du temps : « les cheveux poudrés coiffés d’une légère cornette de dentelle

  1. J. -B. Perronneau, 1715-1783, par Léandre Vaillat et Paul Ratouis de Limay. Paris, Gittler, 1909.