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royaliste : il avait à se plaindre de Napoléon, et ses rancœurs furent tenaces. Autant que Donnadieu, Fournier se posa donc en champion des ultra-réacteurs ; mais du moins, aucune éclaboussure de sang ne macula son blason plébéien. Pécheur impénitent, opiniâtre amoureux, il n’avait guère amendé sa vie. Malgré l’approche de la vieillesse, l’« enfant chéri des dames » demeurait séduisant libertin, hussardant les ménages, « fort bien avec les femmes ; mal avec les maris. » Il avait à peu près oublié sa caressante espionne, Mme Hamelin, vieillie d’ailleurs et très consolée ; à maîtresse perdue, quinze ou vingt remplaçantes : le « premier polisson de France » s’était vu pardonné gaîment. Fortunée, en retour, ne gardait pas rancune à ce volage, car Savary avec Montrond, pour ne citer que les plus connus, suffisaient à son cœur… Et puis, autres temps, autre manière d’aimer ! La femme de 1820 était rêveuse et façonnière ; Elvire donnait ses rendez-vous sur un lac plutôt qu’en son alcôve ; elle chantait, au lieu d’agir ; son âme était pudique, et sa robe taillée par des couturières à principes ; mais le diable n’y perdait rien ; son don Juan non plus. Toujours charmé et toujours charmeur, François comte Fournier-Sarlovèse mourut, en 1827, à l’heure où les conquêtes lui allaient devenir difficiles : un heureux d’ici-bas !… Son nom est resté légendaire. Soldat superbe, à une époque pourtant féconde en grands soldats, le hussard de Friedland et de Lugo a bien mérité de la France. Sans doute, les Murat, les Bessières, les Montbrun, les Lassalle, entraîneurs d’escadrons qui forçaient la victoire, ont laissé dans le peuple un plus long souvenir ; mais moins fameux peut-être, Fournier aussi occupe une large place dans les capiteuses fumées de la gloire.


Le général Delmas fut mis en surveillance, durant onze années, à Porrentruy, pays du boucher Weter dont il avait, croyait-il, épousé la fille. Là, resté franc luron, le « Sauvage » ne changea rien à sa vie coutumière : ardent chasseur, buveur inassouvi, lutinant la bourgeoise avec la servante, jacobin jusque dans les moelles, critiquant le pouvoir, persiflant la soutane ; effroi des commissaires, scandale de son curé…

Mais, à l’heure des revers, quand l’immense édifice impérial, branlant de toutes parts, commença de crouler, le vainqueur de Magnano oublia ses griefs, secoua sa torpeur, offrit son épée. « La patrie en danger ! » Et Delmas, à la tête d’une