pas reprise ; ne vous inquiétez pas, ne précipitez pas vos résolutions, et cela s’arrangera. »
Quoiqu’il fût tard, onze heures passées, nous montâmes ensuite chez Gramont, dont le ministère était à quelques pas, afin de lui redire ce que je venais d’entendre de la bouche d’Olozaga, et de savoir si d’Ems n’était pas venue quelque information. En réponse à ma demande, Gramont me présenta son télégramme de sept heures réclamant des garanties. Je n’en avais pas achevé la lecture qu’on annonça un aide de camp porteur d’une lettre de l’Empereur. Gramont la lut, puis il me la passa. Elle était ainsi conçue : « Palais de Saint-Cloud, le 12 juillet 1870. — Mon cher duc, en réfléchissant à nos conversations d’aujourd’hui et en relisant la dépêche du père Antoine, comme l’appelle Cassagnac, je crois qu’il faut se borner à accentuer davantage la dépêche que vous avez dû envoyer à Benedetti en faisant ressortir les faits suivans : — 1o Nous avons eu affaire à la Prusse, et non à l’Espagne. — 2o La dépêche du prince Antoine adressée à Prim est un document non officiel pour nous, que personne n’a été chargé en droit de nous communiquer. — 3o Le prince Léopold a accepté la candidature au trône d’Espagne, et c’est le père qui renonce. — 4o Il faut donc que Benedetti insiste comme il en a l’ordre, pour avoir une réponse catégorique par laquelle le Roi s’engagerait pour l’avenir à ne pas permettre au prince Léopold, qui n’est pas engagé, de suivre l’exemple de son frère et de partir un beau jour pour l’Espagne. — 5o Tant que nous n’aurons pas une communication officielle d’Ems, nous ne sommes pas censés avoir eu de réponse à nos justes demandes. — 6o Tant que nous n’aurons pas eu cette réponse, nous continuerons nos armemens. — 7o Il est donc impossible de faire une communication aux Chambres avant d’être mieux renseignés. — Recevez, mon cher duc, l’assurance de ma sincère amitié. »
Voici l’explication de cette lettre : dans la soirée, quelques membres de la Droite, parmi lesquels Jérôme David et Cassagnac, étaient venus à Saint-Cloud. Ils avaient raconté (ce qui était vrai) que la renonciation du père Antoine était la fable de Paris ; ils avaient effrayé l’Empereur des périls et du ridicule auxquels il s’exposait en se payant d’une satisfaction dérisoire, lui avaient montré le mécontentement de l’armée, la désaffection du peuple, les ricanemens hostiles de l’opposition, notre