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anglais déclara que, pour sa part, il entrerait volontiers en négociations à propos des Détroits, mais qu’il serait impossible de demander aux Jeunes-Turcs ce nouveau sacrifice ; par là, du même coup, il manifestait les sentimens amicaux de l’Angleterre envers la Turquie régénérée et il maintenait cette clôture des Détroits à laquelle l’Angleterre attachait, naguère encore, tant de prix et pour laquelle elle a fait couler tant de sang. En France même, des journaux laissaient entendre que, d’un nouveau Congrès, la France pourrait rapporter sa liberté d’action au Maroc. En Italie, M. Tittoni, le 6 octobre, à Casate-Brianza, déclarait, dans un discours destinée rassurer l’opinion, que l’Italie aurait, elle aussi, des satisfactions et qu’il en avait obtenu la promesse dans ses conversations avec MM. Isvolski et d’Æhrenthal. On s’acheminait ainsi, sous prétexte de défendre le droit violé, vers une révision du traité de Berlin qui en aurait été, pour la Turquie, une lourde aggravation.

Nous nous sommes déjà expliqué ici sur la question serbe ; nous ne l’envisageons aujourd’hui qu’au point de vue de la diplomatie européenne, au point de vue de la Kabinetspolitik. La question serbe était de nature à faire l’objet de négociations entre les grandes puissances qui pouvaient employer leur crédit à Vienne pour obtenir au profit de la Serbie des avantages économiques ; l’erreur fut de vouloir introduire à la conférence les revendications serbes au même titre que les questions juridiques que l’on aurait à y débattre, et d’avoir fait, de difficultés d’ordre divers, une confusion telle que la conférence ne pouvait plus qu’aboutir à un échec ou conduire à une guerre. Il n’y avait aucune commune mesure entre le droit tel que le comprenait l’Autriche et les droits qu’invoquait la Serbie. Il était évident, dès le premier abord, que l’Autriche n’accepterait aucun arbitre, voire aucun « honnête courtier, » entre ses prétentions et les revendications adverses. Cette confusion entre les points qui pouvaient être soumis à une conférence et ceux qui ne le pouvaient pas, fut la cause profonde de l’échec du projet. Une conférence internationale n’est pas un parlement ; le vote de la majorité n’oblige pas la minorité, et il suffit d’une seule opposition pour faire crouler les plus habiles combinaisons. Pour discuter, il faut être d’accord, dit un vieil adage qui s’applique à merveille aux conférences internationales. Les décisions n’y peuvent être prises qu’à l’unanimité des voix et, pour l’obtenir, un