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la souveraineté officielle de la Porte. On assure que les consuls européens à La Canée, consultés par leurs gouvernemens respectifs, ont émis l’avis que le drapeau ottoman devait continuer de flotter sur un rocher à l’entrée de la baie de la Sude, et qu’il devrait y être successivement gardé par un navire tantôt d’une puissance tantôt d’une autre. C’est évidemment, dans cet ordre d’idées qu’il faut chercher une solution provisoire. Le drapeau turc, en somme, ne sera là qu’un symbole ; il représentera la souveraineté ottomane ; mais les Crétois continueront de s’administrer et de se gouverner eux-mêmes. Il semble que la Grèce, dans ces conditions, peut attendre. Attendre quoi ? demandera-t-on. L’avenir ne sera pas toujours semblable au présent. Les susceptibilités de la Porte pourront s’atténuer. Des circonstances plus heureuses, plus glorieuses pour elle lui permettront sans doute de montrer une meilleure volonté envers la Grèce. Celle-ci lui rendra peut-être des services : elle avait déjà une grande inclination à le faire sous l’ancien régime. Le grand art en politique est de profiter des occasions, quand elles s’offrent. Actuellement, le Grec est peu populaire à Constantinople, et cela pour des motifs qui ne sont pas tirés seulement de la politique extérieure. Mais tout passe, évolue, se modifie. L’Empire ottoman est tout au début d’une crise qui sera longue et qui présentera des péripéties très diverses. Ce serait folie de la part de la Grèce de montrer une précipitation intempestive qui aurait le double inconvénient de l’exposera des mésaventures fâcheuses et de paralyser la bonne volonté des puissances qui, tenant le plus à elle, ne demandent qu’à le lui montrer quand, le moment sera venu.


Il y a cinquante ans, l’armée française marchait à côté de l’armée piémontaise dans les plaines de Lombardie et travaillait avec elle à la libération de l’Italie. Les deux armées allaient de succès en succès, et nous ne savons dans lequel des deux pays leurs victoires soulevaient le plus de joie. L’Italie était immensément populaire en France ; son nom même parlait à notre imagination ; nous l’aimions pour son prodigieux passé auquel le nôtre s’était plus d’une fois rattaché, et pour son avenir que nous pressentions. Napoléon III, nature rêveuse et généreuse beaucoup plus que politique, s’était fait l’homme d’une entreprise dont il n’avait peut-être pas mesuré ! toutes les conséquences ; mais la France était avec lui, elle s’était engagée à sa suite avec toute son âme ; on l’a bien vu, au moment où l’Empereur a quitté Paris, à l’enthousiasme qui, littéralement, s’est déchaîné autour de lui ;