Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de tendresse à l’égard de leurs parens ! Ubi bene, ibi patria. Ce sophisme et d’autres analogues, M. Faguet les a entendus, il les a discutés et réfutés avec une courtoisie qui lui a valu l’indulgence relative de nos pacifistes ; mais il les a fortement écartés. L’idée de patrie a eu en lui l’un de ses plus courageux et plus éloquens défenseurs. « Le serment des jeunes Athéniens, dit-il, était : « Je jure de laisser la patrie plus grande que je l’ai trouvée. » Le serment de tous les Français devrait être au temps actuel : « Je jure de laisser l’idée de patrie plus grande et plus forte que je l’ai trouvée. » — C’est qu’à vrai dire, pour nous Français particulièrement, au milieu d’une Europe divisée et jalouse, le patriotisme est le fondement même de notre existence nationale ; il est inutile de songer à organiser notre vie civile, si nous ne sommes pas prêts à tous les sacrifices pour nous défendre contre les envahisseurs toujours possibles, et pour faire respecter la dignité du nom français. La religion de la patrie est la dernière religion qui doit disparaître du sol de France.

Sur cette patrie solidement assise, jalousement aimée et vaillamment défendue, comment, sur quelles bases, suivant quelles règles communes, la vie politique devra-t-elle se constituer ? M. Faguet accepte sans discussion métaphysique préalable le régime historiquement issu de la Révolution française et actuellement en vigueur ; mais il ne se refuse nullement à l’améliorer. Il a écrit toute une étude Sur notre Régime parlementaire, dont il est peu probable qu’on réalise jamais les idées, précisément parce qu’elles sont trop sages et trop simples, et qu’elles procèdent trop d’un prudent esprit de réformes. Si jamais l’on revise notre Constitution, ce n’est pas M. Faguet que l’on ira consulter : mais on pourrait plus mal choisir.

Ces réformes, ces améliorations qu’il propose, de quels principes généraux s’inspire-t-il pour les recommander à notre attention ? Car, si épris des faits qu’il soit, M. Faguet est trop, de sa nature, un « esprit penseur » pour ne pas avoir une doctrine liée, une philosophie politique. Ses vues théoriques sur cette matière, il les a exposées en un volume dont le titre seul est un symbole et un programme : le Libéralisme. M. Faguet se définit lui-même un « vieux libéral, » et son livre débute, en guise d’introduction ou de préface, par les deux Déclarations des droits de l’homme, celle de 1789 et celle de 1793. C’est là « sa charte, » comme il le dit en propres termes : une « charte » d’ailleurs