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les initiatives individuelles ou groupées) ; les résultats militaires ; la balance, c’est-à-dire les vices de fonctionnement propres à la marine elle-même.


I. — LA MISE NATIONALE

La sollicitude publique. — Comparez l’afflux de force profonde que reçoivent de ce chef les grandes marines étrangères, au mince filet d’intérêt dont s’alimente maigrement la nôtre ! En dépit de sa situation géographique, des élémens fournis par sa population, de son domaine colonial, d’une glorieuse tradition historique et technique, la France détourne les yeux des choses de la mer. Au commencement du XVIIe siècle, nous avions fait preuve d’une féconde vitalité maritime : elle nous dota d’un empire colonial : c’était dans l’ordre. Et c’est notre mauvaise politique coloniale qui nous fit alors méconnaître et abandonner le double fruit de cette expansion. Erreur inverse aujourd’hui. Alors que nous dominons au loin des territoires immenses, qui se développent et dont nous savons comprendre la valeur, entre nous et eux la chaîne manque : les imaginations, les initiatives, les audaces en quête d’affaires ou d’aventures se désintéressent du domaine maritime.

Il existe une Ligue navale anglaise depuis 1894 ; mais les diverses corporations du Royaume-Uni n’avaient pas attendu ce moment pour exercer en faveur de la marine leur influence, et les particuliers eux-mêmes n’avaient pas attendu davantage pour exercer leur surveillance patriotique. C’est la Chambre de Commerce de Londres, organe central des intérêts d’affaires de la Cité qui poussa la campagne d’opinion, origine du gigantesque effort caractérisé par l’Impérial defence act de 18ÎS8 et le Naval defence act de 1889. Ce double programme englobait une dépense qui s’éleva à près d’un milliard. La Ligue maritime allemande, elle, date de 1898. Son essor fut prodigieux. Au bout de dix ans, elle groupe plus d’un million de membres, à l’heure où la Ligue maritime française, fondée à son instar, ne compte guère que dix mille adhérens. Pendant quatre ans, de 1899 à 1903, le succès de cette dernière a été des plus minimes, et son avenir est resté problématique. Elle a triomphé pourtant de l’indifférence générale ; elle a pris pied dans le pays ; elle y sème des idées nouvelles. Mais son action n’est qu’au début. Elle n’a pu