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180 modifications : et le bateau n’est pas fini. Il va sans dire que ces tâtonnemens se paient : des pièces sont à refaire, d’autres à transformer, de nouveaux gabarits, de nouveaux calculs deviennent nécessaires. La France construit un cuirassé en cinq ans, l’Allemagne en trois ou deux et demi, l’Angleterre en moins encore. Nous le commençons, il est vrai, sans projet étudié, sans plan certain. On disserte sur des avant-projets jusqu’au jour où la dépêche de mise en chantier vient enfin clore les discussions oiseuses et provoquer les études définitives. C’est à quoi surtout elle sert. Mais si l’on se résout à la lancer, c’est d’abord pour occuper les ouvriers, auxquels on n’a pas eu la prévoyance d’assurer dès longtemps de la besogne. Ainsi acculé, on travaille sans ordre ni méthode ; on prend son parti de construire des fractions entières de bâtimens. qu’il faudra démolir plus tard. Par ailleurs, les appareils importans, l’artillerie ne sont point commandés. Il faut pourtant vingt mois pour exécuter une tourelle, vingt-quatre pour les machines, quand la coque n’exige qu’un an. Et l’on aboutit à mettre en escadre des cuirassés sans canons, tous essais terminés d’autre part, comme les trois Charlemagne en 1898, — au moment de Fachoda ! C’est que le ministre se réserve de déterminer le plus tard possible le type des chaudières ou des machines. En outre, nous l’avons dit, les défiances politiques rendent obligatoire l’adjudication : on ne saura donc qu’après une série de formalités, postérieures elles-mêmes au vote des crédits, qui fournira les organes les plus importans, les tourelles par exemple : impossible de préciser les plans d’après leurs formes et poids exacts, encore inconnus. Le Parlement, de son côté, ne voit pas au delà des chiffres budgétaires : il s’agit d’équilibrer l’année courante ; le reste importe peu. Or, il est des économies ruineuses. Pour éviter les grosses annuités, on échelonne des paiemens sur cinq ou six ans : il faut bien que la construction suive les mêmes délais. Et faute de quelques dizaines de mille francs, un bateau ne paraîtra en escadre qu’avec douze mois de retard, alors que sa déperdition annuelle, son seul amortissement matériel représente plus d’un million, alors qu’au point de vue militaire, sa valeur disparaît en dix ans, quinze au plus. Un an de moins en service, c’est trois millions de perdus. Rappelons enfin M. Caillaux, exigeant que les formes de radoub à commencer demain soient à la stricte mesure des bateaux en achèvement aujourd’hui, si bien que l’inévitable progrès des tonnages