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pendant une demi-heure de marche, nous atteignons une enfilade de maisons de construction récente, alignées le long de la route. C’est le centre cantonal, et ses quinze bâtisses neuves produisent un effet magnifique. Mais, abstraction faite de la poste, de l’école, des logemens du notaire et du juge de paix, de l’église et du presbytère, des cafés et des auberges, que reste-t-il comme fermes d’exploitations rurales ? Bien peu de chose, et ce petit hameau résume un peu en lui notre pauvre France qui tend à devenir un pays composé de fonctionnaires et de cabaretiers. A l’adrech, au sommet de côtes pelées, se dresse une agglomération presque abandonnée : c’est le vieux village dont les quelques habitans, joints à ceux de divers hameaux, de fermes dispersées jadis très nombreuses, et enfin de la bourgade neuve, atteignaient au dernier recensement le total de 630 âmes. Il y en avait près de 1 400 au milieu du règne de Louis-Philippe.


III

Au début du XVIe siècle, les alentours immédiats de Sisteron prolongent en quelque sorte le Dauphiné. Dans la seule commune chef-lieu qui s’étend sur 5 000 hectares, les troupeaux de brebis atteignaient l’énorme effectif de 16 000 têtes, plus que dans tout le canton sous le premier Empire et les avé (troupeaux) de 2 000 bêtes à laine n’étaient point rares. Les bœufs de labour joints aux vaches formaient à Sisteron un ensemble de plus de 400 têtes de gros bétail. Avec cela peu de chèvres, peu de mulets.

Le pacage de ces immenses cohues de bêtes à cornes et à laine donnait lieu à des difficultés, et la dernière des trois communes que nous avons inspectées fut, à l’époque de François Ier, le théâtre d’un conflit point sanglant, mais acharné entre ses habitans et leurs voisins du Dauphiné, qui trouvaient commode d’envoyer leurs troupeaux pâturer abusivement en Provence. Il est fâcheux que cet épisode soit long à raconter, car rien n’y manque : saisies d’animaux, invasions à main armée, stratégie offensive, mesures défensives, intervention des seigneurs respectifs, des parlemens d’Aix et de Grenoble, avec conflit de juridiction. 2 000 hommes d’armes sont fournis par un village contigu des Hautes-Alpes, R..., qui aurait bien de la peine à en fournir 300 aujourd’hui. La cour d’Aix les condamne d’abord à