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CHAMFORT


ET


L’ACADÉMIE FRANÇAISE


_________


I


Chamfort s’est conduit avec l’Académie française comme avec l’ancienne société : il a été pour elle d’une parfaite ingratitude. Nous retrouverons ici le même homme que nous avons déjà essayé de peindre[1].

Il devait beaucoup à l’Académie. On a vu que, jeune et pauvre, sans relations, sans appuis, c’est vers elle d’abord qu’il s’était tourné. Ses premières ressources, comme sa première notoriété, lui étaient venues d’un prix de poésie qu’elle lui avait accordé. En ce temps-là, il ne parlait d’elle qu’avec respect ; il l’appelait « un temple. » Mes amis, disait-il aux gens de lettres qu’il supposait réunis dans la salle des séances académiques,


Mes amis, jurons tous, dans ce temple où nous sommes,
De ne point avilir l’art de parler aux hommes[2].


Façon aussi ridicule que solennelle de désigner un endroit où l’on entendait parfois de bien méchans vers ; mais Chamfort pensait sans doute qu’un compliment, même exagéré, fait toujours plaisir. Dès qu’il se vit connu dans le monde, accueilli par les salons, regardé comme un écrivain d’avenir, il sollicita les suffrages de l’illustre compagnie. La chose, en elle-même, était

  1. Voyez la Revue du 1er  mai.
  2. Œuvres, éd. Auguis, V, p. 206.