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Alors tout ce qui était bon et sain dans la nation suivit avec enthousiasme la voie indiquée par les classes dirigeantes. Tous les Japonais s’unirent au moyen du plus puissant des organes : une armée de service obligatoire ayant pour idéal l’indépendance et la grandeur de la patrie ; Daï Nihon banzaï ! Vive le Grand Japon ; et cet idéal, la nation l’a personnifié dans une incarnation : l’Empereur !

Dès lors se dégage la pensée dominante du Japon, que certaines personnes traitent d’engouement pour les idées européennes. « Nous ne pourrons, y dit-on, résister à l’étranger qu’en employant ses armes. » Aussitôt un travail colossal commença. Ce qualificatif n’est pas exagéré si l’on considère qu’il y a quarante et un ans le Japon désarmé n’avait guère que des jonques de combat en bois, et qu’aujourd’hui il construit, par ses propres moyens sans le secours d’aucun étranger, ce qui doit être considéré comme la synthèse de toutes les connaissances scientifiques : des cuirassés de 20 000 tonnes plus puissans que les dreadnoughts anglais.

Il serait trop long d’énumérer les réformes qui suivirent la suppression de la féodalité, il suffit d’en rechercher l’esprit. Une armée puissante était nécessaire. Des missions étrangères furent appelées : françaises d’abord, en 1868 et en 1872, puis allemandes, entre autres, en 1887, celle du colonel von Mohl qui organisa l’Etat-major sur le modèle du grand état-major allemand. En même temps, des officiers de toutes les armes étaient envoyés en grand nombre dans les différentes écoles militaires européennes, dans les écoles d’ingénieurs et les universités d’Angleterre et d’Amérique. Les sciences médicales étaient étudiées en Allemagne. Mais pour acheter le matériel, construire les arsenaux et la flotte, créer les Universités et les Ecoles, il fallait aussi de l’argent. Le Japon comprit qu’avec un système gouvernemental ressemblant assez à celui de la Chine, l’Europe manquerait de confiance et ne souscrirait pas volontiers ses emprunts. Alors, en 1889, une constitution fut accordée : Chambre haute formée par les grands personnages de l’ancienne noblesse et les capacités désignées par l’Empereur ; Chambre basse composée de 376 députés nommés par un vote censitaire qui exclut 97 p. 100 de la population ; ministres au choix de l’Empereur et responsables seulement vis-à-vis de lui, etc., et c’est ainsi que le décor d’un gouvernement constitutionnel ayant