Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les deux nations se détestent, dit-on. Cette animosité n’existe-t-elle pas souvent entre voisins ? La Chine intellectuelle traite le Japon en barbare, tandis que le Japon guerrier n’a que du mépris pour un peuple dont le dicton favori :


Qui dans le combat se sauve,
Veut vivre pour se battre demain,


fait la joie des lettrés. Mais ces deux peuples ont la même civilisation, la même mentalité ; ils seront toujours près de s’entendre lorsqu’il s’agira de s’opposer aux gens de race blanche.

« Personne plus que nous ne désire le développement industriel du Japon, disent les Américains. Le socialisme en est la conséquence, et dès lors cette centralisation menaçante ne sera plus à craindre. Le rêve d’hégémonie de l’Orient deviendra irréalisable. Le progrès qui s’impose à toutes les races débarrassera le monde de cette barbarie guerrière. »

Jusqu’à présent, on ne peut guère prévoir une évolution dans ce sens. Le système de gouvernement organisé par l’ancienne féodalité est sage, ferme et très paternel. Le pouvoir est actuelment aux mains des Sat-chô, mot fait de la première syllabe des noms des grands clans seigneuriaux Satzuma et Choshu. Les « genro, » dont il a été parlé, en font partie. Au-dessous d’eux, il n’y a rien. La Constitution sert d’écran à une bureaucratie instruite, dévouée, disciplinée, qui étudie les questions dans le sens ordonné, propose les solutions et exécute. Au-dessous se trouve la classe des petits fonctionnaires. Elle s’étend jusqu’aux 30 000 hommes de police, qui forment un seul corps et assurent l’ordre dans tout le Japon. Viennent ensuite les millions d’habitans dont la seule volonté est d’exécuter les ordres sans en chercher les raisons. Le milieu ouvrier des ateliers, des usines, des arsenaux ne discute pas davantage le principe d’autorité. Naturellement le progrès industriel a donné lieu à des grèves, quelques-unes fort graves. Elles n’ont pas eu de caractère politique. Le gouvernement fait respecter la liberté du travail, les désordres sont énergiquement réprimés. Les meneurs connus comme agitateurs, ou qui voudraient placer la question de grève sur un terrain politique, seraient immédiatement saisis, et prompte justice serait faite. Il n’en est pas moins vrai qu’un certain relâchement des anciens liens de la famille se faisait déjà remarquer avant la guerre et semble se continuer. Les classes élevées et