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attente, comme l’a confirmé le comte Schouvalov à son retour de Saint-Pétersbourg[1]. » La veille de sa démission, Bismarck irrité disait à son secrétaire Moritz Busch : « Il veut rompre avec la Russie et il n’a pas le courage de demander aux libéraux du Reichstag l’augmentation de l’armée. J’ai réussi à gagner leur confiance à Saint-Pétersbourg et chaque jour j’en ai obtenu des preuves nouvelles. Qu’est-ce qu’ils penseraient de moi maintenant ?... Ma retraite est certaine, définitive. Je ne veux pas prendre à mon compte, comme couronnement de ma carrière, les bévues d’un esprit présomptueux et inexpérimenté... » On comprend que l’Empereur ne fut pas satisfait de voir se renouveler dans la presse allemande, au sujet des causes de la démission du prince de Bismarck, des polémiques aussi désagréables. En outre, il ne se souciait pas d’entendre blâmer par l’opposition son esprit despotique ou byzantin, ses mécomptes ou ses fautes de tactique.

D’autres notes du prince de Hohenlohe en date des 21, 24, 26 et 27 mars, 21 et 26 avril 1890 et dont je parlerai en temps utile, relataient des conversations intimes de Guillaume II avec lui au sujet de Bismarck et de la politique extérieure ; elles avaient également blessé le souverain ; mais ce qui l’avait irrité le plus, c’était la révélation de son attitude à l’égard de l’Autriche et de la Russie. A première vue, cette irritation paraît toute naturelle ; mais à la réflexion, elle est de nature à susciter quelques doutes sur sa réalité, et ce sont ces doutes que je voudrais exposer et examiner.

Le télégramme passionné que Guillaume II adressa au prince Philippe de Hohenlohe n’avait-il pas un double but ? Le premier, de montrer aux princes allemands que l’Empereur exigeait d’eux comme de ses autres sujets la déférence la plus absolue ; le second, et peut-être le plus important à ses yeux, de souligner sa fidélité envers l’Autriche et la Triple Alliance ? C’est ce que pensa immédiatement une partie de la presse viennoise, en insistant sur la relation naturelle qui apparaissait entre la publication

  1. La lettre de l’Empereur à laquelle Bismarck faisait allusion était ainsi conçue : « Il ressort clairement des rapports que les Russes sont en pleins préparatifs stratégiques pour entrer en campagne. Je ne puis que profondément regretter d’avoir reçu de si courts extraits des rapports du Consul de Kief. Vous eussiez dû depuis longtemps attirer mon attention sur ce danger terriblement menaçant. Il est grand temps d’avertir les Autrichiens et de prendre des contre-mesures. Dans de telles circonstances, il va sans dire qu’il ne faut pas penser à un voyage de ma part à Krasnoié-Selo. — W. » Ce ne fut d’ailleurs que partie remise.