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la France le succès de la Prusse. Aux approches de la guerre, il rentre à Munich pour prendre part aux délibérations de la Chambre haute et reconnaît qu’en cas de victoire la Bavière sera forcée d’entrer dans la Confédération du Nord. Il entend les paysans de la Franconie dire entre eux : « Il faut la guerre, sinon nous n’aurons pas de repos ! Ce misérable coquin de Napoléon, il faut le chasser. Alors, tout ira pour le mieux. » Le prince royal, rencontrant Hohenlohe le 30 juillet à Munich, lui dit : « Pour commencer cette guerre, il faut que l’empereur Napoléon soit terriblement aveuglé. « Les premiers revers de la France surexcitent les populations. Les Bavarois perdent beaucoup de monde. Les hôpitaux regorgent de blessés. « J’avoue, dit le prince Clovis, que la guerre se montrait là sous son plus triste jour. J’emportai ces impressions à la fête patriotique du Jardin zoologique à laquelle j’assistai l’après-midi. Tous ces petits bourgeois attablés autour de pots de bière et de rôti de veau, et clamant des hourras, me répugnaient. Aux accens de la Wacht am Rhein venait se mêler la voix d’un Français blessé que je trouvai gisant sur le gazon du jardin de l’hôpital et criant : « Mon Dieu ! mon Dieu ! »

Les succès des Allemands continuent, et le prince croit le 20 août que la guerre va bientôt toucher à sa fin. Les soldats bavarois paraissent devenus amis des Prussiens et disposés à faire, à leur retour, une forte propagande en faveur de la réunion de leur pays à l’Allemagne du Nord. Certains rêvent de s’étendre en Alsace et de fonder un royaume d’Alemanie. D’autres en veulent faire un pays d’Empire ; d’autres parlent de céder Mannheim et Heidelberg à la Bavière. Les appétits sont aiguisés, les ambitions allumées. La question de l’Empire allemand se pose nettement. Bismarck amène avec adresse le roi de Bavière à offrir le titre d’Empereur au roi de Prusse ; mais il s’étonne que la Bavière réclame une armée personnelle, une représentation internationale et sa participation à la politique étrangère par voie de contrôle. « Ce qui surprend, dit Hohenlohe, c’est l’aversion du roi Guillaume pour la couronne impériale. Il ne se résout qu’avec peine à rompre avec son passé et avec la tradition prussienne. » Le prince ne comprend pas encore que le roi de Prusse craint l’amoindrissement de son autorité et sa subordination aux princes confédérés. Guillaume a une furieuse envie de dominer le Nord et le Sud, mais il n’ose l’avouer. Hohenlohe est tout