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des États du Sud de l’Allemagne. » Hohenlohe esquiva une réponse précise. Il se borna à dire que la crainte de nuire à ses intérêts matériels détournait le Sud de la réunion avec le Nord. Napoléon réitéra alors ses affirmations pacifiques et demanda si les États secondaires n’avaient pas trop de difficultés à surmonter. Le prince avoua que la position de ces Etats était difficile. « Et la presse, ajouta Napoléon, broche sur le tout ? — La presse, répondit Hohenlohe, chez nous est encore très peu civilisée. » L’Empereur riposta en souriant : « Oh ! chez nous aussi, elle n’est pas très civilisée. »

Guillaume Ier rattacha à cet entretien des propos échangés à la même époque avec le chevalier Nigra. Comptant que ses paroles viendraient aux oreilles de Napoléon, le Roi avait dit : « Je ne verrai de ma vie l’unité de l’Allemagne. Mon fils peut-être non plus. Mais elle viendra. Et si Napoléon cherche à l’empêcher, il y succombera. » Ces paroles furent en effet répétées à Napoléon qui répondit : « En cela le Roi fait erreur. Je ne commettrai pas cette faute. « Le prince Napoléon disait de son côté, en juin 1868, au prince de Hohenlohe que la guerre contre la Prusse serait un immense malheur et qu’elle amènerait l’unité allemande. Il se répandait en éloges sur la politique du comte de Bismarck, sur la discipline de l’armée et sur l’administration de la Prusse. Il regrettait que la Bavière n’eût point balayé Bade et le Wurtemberg, et fondé un Empire allemand du Sud qui eût eu, à son avis, pour alliés l’Autriche et la France. Les événemens qui suivirent démontrèrent amplement l’incohérence de la politique impériale et comment Napoléon III, qui avait d’abord été favorable à l’unité de l’Allemagne, chercha vainement en 1870 à réparer son erreur. La prédiction du roi Guillaume s’était réalisée.

A propos du troisième et dernier volume des Mémoires, qui vient de paraître, j’aurai à relever dans un autre article des observations et des faits très curieux relatifs à l’ambassade de Hohenlohe à Paris, à son gouvernement d’Alsace-Lorraine et à la direction de la chancellerie d’État où le prince succéda en 1894 au général comte de Caprivi.


HENRI WELSCHINGER.