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avec de la crème, en buvant des rasades de vieux vin. Après le souper, sur les minuit, les deux camarades allèrent coucher dans la même chambre. Il était deux heures du matin quand Chevrier se leva, tout en sueur, disant qu’il se trouvait mal. Il ouvrit la fenêtre. Saint-Martin courut éveiller les gens de l’auberge, qui arrivèrent « à la hollandaise, » très lentement. Le pamphlétaire était assis sur son lit et demandait un médecin, mais avant que celui-ci ne fût venu, le malheureux était mort.

Il laissait de pauvres effets et trois ducats qu’on trouva dans sa poche. Il fut enterré « dans le cimetière où l’on met les cadavres de la canaille. » Sa dépouille y avait été conduite par un carrosse, qu’avaient accompagné quatre porteurs de la ville. Deux chemises, qu’il avait sur lui, lui avaient fait un linceul. Los trois ducats servirent aux frais de l’enterrement. Sa montre et ses vêtemens furent vendus pour payer l’hôtelier du Maréchal de Turenne et le médecin qui était arrivé trop tard.

La mort si subite du pamphlétaire étonna. Le bruit se répandit qu’il se serait empoisonné :

« Juste ciel ! s’écria Sophie Arnould, il aura sucé sa plume ! »


FUNCK-BRENTANO ET PAUL D’ESTRÉE.