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II. — ÉCHO

Non loin du lent Céphise aux flots profonds et frais,
À l’ombre des lauriers, des pins et des cyprès
Dansaient les nymphes d’Aonie.
Leurs pas sur le gazon se croisaient savamment ;
Elles dansaient… c’était un spectable charmant ;
La grâce à la cadence unie.

Leucothoé tenait Callisto par la main ;
Rhanis et Sémélé, sur le bord du chemin
Ayant renoué leurs sandales,
Allaient, venaient, glissaient, souples, — et le baiser
Que leur lançait le vent semblait s’harmoniser
Au rythme joyeux des crotales.

Seule, à l’écart, pourtant, Écho fuyait ses sœurs.
Dans ses yeux détournés des sereines douceurs,
Du bonheur naïf et champêtre,
Brûlait un feu qu’Éros, le dieu cruel et beau,
Lorsqu’il passe, aveuglé de son fatal bandeau,
En des yeux innocens fait naître.

— Éros, Éros, pourquoi troubler des cœurs d’enfans ?
Ne sens-tu point tomber, sous tes pas triomphans,
Parfois, des larmes désolées ?
Ne vois-tu pas Écho tordant ses doigts menus
Et, malgré les cailloux rudes à ses pieds nus,
Errant par monts et par vallées ?

— Hélas ! il n’est plus temps de prévenir l’amour…
En ce matin d’été, membres las et front lourd,
Écho suivait d’obscures sentes
Qui mènent à la source où jamais nul berger
N’abreuva ses brebis sous le dôme léger
Des ramures envahissantes.