Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/667

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longues guerres du XVIIe siècle où pâlit l’étoile du Danebrog. A la fin du XVIIIe siècle, après quatre-vingts ans de paix ininterrompue, le Danemark jouissait, à l’intérieur, d’une remarquable prospérité économique, sous un gouvernement absolu, mais « éclairé, » selon la mode du temps, ami des « lumières » et ennemi des « préjugés. » Endormi dans un bien-être insouciant, le peuple avait laissé sa foi religieuse se fondre en un vague rationalisme, et sa foi patriotique se dissoudre en un cosmopolitisme qui, pour le petit voisin de la grande Allemagne, devait naturellement se présenter sous les espèces du germanisme. Après l’extraordinaire aventure du tout-puissant ministre Struensée, Allemand d’origine, contempteur à la fois du danisme et de la religion, et dont la chute tragique ne suivit que de seize mois la coupable élévation, le Danois Guldberg avait bien entamé la lutte contre le germanisme, chassant les fonctionnaires allemands de leurs postes comme les commandemens allemands de l’armée. De même, après 1784, le prince royal Frédéric avait bien inauguré, avec l’aide de Reventlow, de Bernstorff, tout un travail de réformes destinées à affranchir le paysan, à libérer le commerce, à améliorer la justice. Mais l’effort tardif devait échouer et se perdre dans les épreuves terribles qui, soudain, allaient frapper le Danemark, depuis la glorieuse, mais désastreuse bataille navale livrée le 2 avril 1801 contre la flotte de Nelson, jusqu’au bombardement et à la prise de Copenhague par les Anglais en 1807. Avec la paix de Kiel, en 1814, le Danemark sortit de la crise non seulement humilié et démembré, — il perdait la Norvège, — mais moralement et physiquement anéanti : le Trésor était vide, le commerce détruit ; le pays perdait un tiers de sa population, et à la ruine économique s’ajoutait un désastre plus grand encore, l’effondrement de toutes les espérances, le naufrage du patriotisme et la destruction du sens national.

L’épreuve était de celles qui tuent ou qui guérissent un peuple. Le peuple danois allait-il mourir ? N’allait-il pas chercher, au contraire, dans son désastre même, des facteurs de renaissance et de nouvelles raisons de vivre ? Plus grand était le mal, plus difficile le relèvement : il fallait ranimer la conscience publique, restaurer la foi religieuse, refaire l’éducation du pays ; l’âme de la nation était comme morte, il fallait la ressusciter. L’élite des Danois comprit la grandeur et la nécessité de l’œuvre de la