décidé à envoyer à Sarzane un chanoine de Lucques, tout dévoué à ma famille ; il y remettra au révérendissime évêque de Saint-Malo une lettre par laquelle je le prie de me faire savoir les intentions du Roi ; et de me dire où il convient que j’aille, car Sarzane est une citadelle, la place est resserrée entre des murailles, et tout occupée par d’énormes masses de soldats.
« Des gens très dignes de foi m’ont affirmé qu’ils avaient entendu de leurs propres oreilles un des familiers du Très-Chrétien s’exprimer ainsi : « Le cardinal de Sienne a écrit au Roi pour demander audience, mais on sait qu’il a favorisé le parti de nos ennemis, aussi Sa Majesté ne le veut recevoir ni entendre ! Et il aurait tenu sur mon compte des mots encore plus durs…
« La fortune en ce moment sourit aux Français, tout leur réussit, tout s’ouvre devant eux : Sarzane, Pietrasanta sont en leurs mains ; on dit que le Roi va bientôt partir pour Florence, et qu’il y veut changer le gouvernement.
« Et l’on se vante journellement aussi, dans le camp étranger, que le Roi viendra à Rome, et qu’il veut réformer l’état de l’Eglise ; et dans un grand conseil tenu à Sarzane, il a décidé formellement l’expédition de Naples…
« Ici, dans tout ce pays de Lucques, ce sont les Français qui commandent et tout se fait à leur guise.
« Et moi, — comme le bruit s’est déjà répandu que je n’ai pas la faveur du Roi, — je n’y puis rester désormais sans péril, d’autant plus que tout est occupé par l’armée royale, et que, même à prix d’argent, on ne saurait trouver à se loger ni à vivre ; depuis trois jours déjà, mes quatre-vingts chevaux et bêtes de somme manquent de fourrage et broutent des branchages ; encore n’en ont-ils pas tout leur saoul…
- Felicissime valeat Vcslra Sanctitas.
- Ejusdem V. S. humilis servitor,
- Card. SENENSIS. »
Nous ne possédons malheureusement pas les réponses que fit le Pape à ces jérémiades ; mais le monologue a son intérêt, le cardinal le continue le lendemain.