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droite, M. Lasios, a cherché un remède. Il n’a pas eu la prétention de guérir le mal tout entier, sachant bien que ce n’est pas possible, mais il a essayé de l’atténuer en imposant l’obligation du vote personnel pour un certain nombre de scrutins, ceux par exemple qui doivent augmenter les charges financières du pays, ou ceux qui, en accordant ou en refusant la confiance de la Chambre à un ministère qui la demande, le maintiennent ou le renversent. La majorité a été très émue qu’une proposition pareille eût été faite par un membre de la minorité, et elle a essayé aussitôt de la noyer dans des surenchères. Les surenchères se sont multipliées : au bout d’un moment, le spectacle a été tel que les vieux parlementaires, restés fidèles à certaines traditions de dignité et de décence, en ont été écœurés. Quelques-uns d’entre eux ont protesté avec émotion, avec indignation. Rien n’y a fait, et la Chambre a voté une modification du règlement, en vertu de laquelle les députés devront signer à chaque séance une feuille de présence. Si leur signature manque pendant six séances consécutives, ils seront réputés absens sans congé, et privés de leur indemnité. M. Jules Roche, honteux d’une pareille manifestation, a déclaré qu’il ne signerait jamais la feuille, ne voulant pas être traité comme un écolier, et d’autres ont imité son exemple. Au surplus, la feuille de présence ne prouve rien du tout, puisqu’un député, après l’avoir signée à un moment quelconque de la séance, peut s’en aller bien tranquillement et charger un collègue de voter à sa place. Nous attendons que quelqu’un propose que la liste soit signée et résignée toutes les heures : alors seulement la garantie deviendra sérieuse. Pour le début de l’institution nouvelle qu’est-il arrivé ? Un très grand nombre de députés, qui étaient absens et qui ont cru inutile de revenir pour assister à une fin de session insignifiante, se sont fait mettre en congé régulier. Aussitôt après, une de ces bourrasques, qui s’élèvent parfois de la manière la plus inopinée sur des eaux tranquilles et sous un ciel serein, a assailli la barque gouvernementale et en quelques minutes l’a submergée. Que serait-il arrivé si les absens avaient pu voter comme autrefois ? La secousse a été si violente que les absens, s’ils avaient été présens ou s’ils avaient pu voter par procuration, auraient été, eux aussi, divisés, disloqués aux quatre vents de l’orage. On peut toutefois conserver un doute à ce sujet, et qui sait si, comme M. Lasies s’en est dit-on vanté, la proposition qu’il a faite, ou plutôt celles qui en sont sorties, n’ont pas été pour quelque chose dans la chute de M. Clemenceau ?

Mais l’auteur véritable de la catastrophe a été M. Clemenceau lui-