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siens et la place privilégiée qu’allaient occuper parmi les plus grandes dames de la Cour, et dans l’affection des premiers princes du sang, sa petite-fille la marquise de Montesson, et son arrière-petite-fille la comtesse de Genlis.

Il ne pouvait guère prévoir de telles destinées, quand, le 7 janvier 1717, il donnait sa fille Marie-Josephte en mariage à un obscur avocat de Paris, Claude-Christophe Mauguet de Mézières. Ce mariage médiocre était pourtant inespéré pour les Minard, riches de nombreux enfans, et peu pourvus d’écus. Le bonhomme Mézières possédait quelque argent. « Toqué, » au dire des contemporains, original pour le moins, il ruine en peu de temps le ménage, « en achetant des manuscrits, en brocantant des curiosités, en meublant, parant, voiturant et présentant partout la femme dont il s’enorgueillissait. » Mézières s’était laissé aller à d’étranges compromis, et y avait mêlé de façon désobligeante Mme de Mézières. Après plusieurs déménagemens causés par le dérangement de leurs affaires, et par le désir d’échapper aux poursuites, le couple s’en était venu loger en dernier lieu dans la maison du marquis de la Haie. Les deux ménages ne tardèrent pas à se lier ; et, sans doute, en aidant le mari réduit aux expédiens, le marquis était-il heureux de secourir la femme. De la jeune provinciale que les contemporains nous représentent un peu gauche et naïvement glorieuse de son savoir, Paris avait fait une jolie femme, à l’esprit brillant et dégagé, toute propre au caquetage des salons, experte aux galans propos, formée au ton et au goût du jour. M. de Chastellux disait d’elle qu’ « ayant été mariée à dix-sept ans pour son savoir, elle le fut à trente pour sa beauté. » La marquise de la Haie était morte dès l’année 1726. Le pauvre Mézières eut le bon esprit de mourir d’un accès de fièvre chaude à Avallon le 26 août 1734. Ce double veuvage opportun permit aux deux amis de se réunir en légitime mariage dès le mois de décembre suivant, au grand scandale de la société cependant peu farouche du temps. Mais le marquis était riche, sa table succulente, sa femme aimable et spirituelle : on ne leur tint point rigueur. C’était l’entrée définitive de Marie-Josephte Minard dans ce grand monde que François Minard et les siens contemplaient comme une terre inaccessible.

Le nouvel époux, Louis Béraud de Riou, marquis de la Haie, dans sa jeunesse « le beau la Haie, » avait été l’un des amans heureux de la duchesse de Berry, fille du Régent. D’une famille