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Elle ne renonce pas pour cela à rendre service. Elle n’y renoncera jamais. Mais elle usera de moyens moins directs, plus souples et d’ailleurs aussi sûrs. De très bonne heure, elle associe à ses complots charitables, — les seuls où elle ait jamais trempé, — le propre cousin de l’Empereur, ce prince Jérôme qu’elle tenait en singulière estime, et dont le caractère ne paraît lui avoir causé aucune déception en aucun temps. C’est Jérôme qui soutiendra de ses largesses personnelles le Berrichon Patureau-Francœur, dont l’histoire navrante remplit les lettres à Poncy durant l’année 1858. Sa main se sent dans d’autres circonstances. George Sand n’hésitera pas, le cas échéant, à mettre sous les yeux de l’Impératrice elle-même certaines misères, que l’Impératrice soulagera avec la plus exquise bonne grâce[1].

Ainsi s’ourdira, autour de l’Empereur silencieux ou laissant faire, la conspiration de la bonté, tramée par l’ancienne révolutionnaire de 1848. Tel est tout son rôle sous l’Empire, rôle de réserve, d’expectative, d’espérance secrète, et, en attendant, de gratitude muette. George Sand, sitôt passé ce terrible défilé de 1848 à 1852, ne fut attentive qu’à panser les blessures de la guerre civile. Poncy, dans sa modeste mesure, s’employa aussi à cette tâche. Et, dans les sphères du pouvoir, nous entrevoyons, de profil, tournés vers George Sand avec un geste d’accueil et de généreuse transmission, un Damas-Hinard, secrétaire des commandemens, et cet aimable comte d’Orsay, l’ami de la brillante Solange, et Solange elle-même qui, à certaine date, put incliner ses belles relations vers les bonnes œuvres de sa mère.

Qu’était-il advenu, sur ces entrefaites, de la littérature ouvrière, et de Poncy auteur ? L’un et l’autre n’avaient-ils pas sombré dans la bagarre ?

On le croirait, à voir la tournure des événemens, mais on se tromperait, du moins en partie. La littérature prolétaire, il est vrai, est à cette heure enterrée. Poncy, lui, ne se développera plus. L’enthousiasme qui l’a fait poète, du moins relativement, est tombé ; les souffles inspirés de Nohant ne l’agiteront plus sur

  1. Voyez Correspondance, III, p. 249. — « J’ai déjà beaucoup demandé,… on ne m’a pas encore refusé. » — À Poncy, passage inédit de la lettre suivante : « L’Impératrice est très, très bonne, et on lui demande certainement de toutes parts plus qu’elle ne peut donner. » (13 mai 1861.)