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LE PRINCE DE BÜLOW.

les successions est renvoyé à la Commission, qui, le 22, en rejette l’essentiel. Le même jour, le Reichstag vote en deuxième lecture l’impôt sur les valeurs admises à la cote repoussé par le gouvernement. L’Empereur intervient alors au débat et, dans un discours à Hambourg, il exprime le vœu que le bon sens triomphe de l’esprit de parti. C’est en vain. Le lendemain, 24 juin, commence en séance la discussion en seconde lecture de l’impôt sur les successions. L’article 9, qui est le paragraphe capital, est rejeté par 193 voix contre 187 sur 333 votans. L’ensemble de l’impôt est lui-même repoussé.

Voici que, pour le prince de Bülow, sonne l’heure des résolutions décisives. S’il était un ministre parlementaire, il se retirerait sans plus attendre. Mais son devoir lui rappelle qu’il n’est responsable que devant l’Empereur, et qu’il ne peut laisser se dresser en face du pouvoir impérial le contrôle parlementaire. Son premier soin est donc de déclarer qu’il réserve sa décision. Cette déclaration est-elle de pure forme ? D’après de sûrs renseignemens, non. Le prince hésite en effet, parce qu’il n’a pas, au fond, de convictions politiques ; parce qu’il est un négociateur né ; parce qu’il se sent capable de trouver de nouvelles transactions. Au surplus, le parlementarisme est en Allemagne si peu de chose que toute majorité est bonne à prendre. Alors interviennent des amis dévoués, au premier rang desquels il faut placer M. Hammann, chef du service de la presse à la chancellerie. Par de forts argumens, il montre à son chef, avec une éloquence de vieux libéral, que, s’il reste, il livre au Centre, au cléricalisme la politique allemande ; qu’il humilie l’Allemagne en s’humiliant lui-même. La princesse de Bülow, présente à l’entretien, est la première convaincue. Aussi bien le chancelier ne ferme pas les yeux aux attraits d’un départ qui lui laissera dans l’histoire de » l’Empire un rôle unique, celui du chancelier libéral, soutenu de la confiance impériale, qui part pour ne pas abaisser le programme national devant les exigences de l’ultramontanisme. Dans cet entretien capital, on arrête, jusque dans son texte, la déclaration qui, le lendemain, sera portée à l’Empereur, l’appel à la bienveillance du souverain qui ne peut vouloir « déshonorer » son ministre en le maintenant de force au pouvoir.

Vingt-quatre heures après, M. de Bülow est à Kiel. Quel est au fond le sentiment de Guillaume II ? S’il eût voulu sauver le