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Matin, le bon Fontaine qui, seul, dans la grande plaine, s’égosille. Ah ! le brave garçon !

« Je veux atterrir ; le remous est violent. Dès que j’approche du sol, un tourbillon me soulève. Je ne puis rester plus longtemps dans les airs. Le vol avait duré trente-trois minutes ; c’était suffisant. Au risque de tout causer, je coupe l’allumage. Et maintenant, au petit bonheur ! Le châssis reçoit un peu de mal, il se casse un peu, l’hélice est faussée. Ma foi, tant pis ! Je venais de traverser la Manche... »

Il était alors 5 h. 43. En réalité, le vol n’avait pas duré 33 minutes, mais 38 : M. Franz Reichel, le hardi compagnon de Spelterini dans son beau voyage du 8 août, bon juge en pareille matière, et qui était à bord de Ï’Escopette, le certifie. Ce temps est d’ailleurs normal. Le Blériot XI fait du 16 mètres à la seconde ; pendant la première moitié de la traversée, pendant 20 kilomètres, par conséquent, — la distance de Calais à Douvres est de près de 40 kilomètres, — il a été favorisé par un vent arrière de 5 à 6 mètres à la seconde. Ainsi, il a effectué ce trajet de 20 kilomètres en 16 ou 17 minutes environ. Il lui a donc fallu au moins 21 minutes pour la seconde partie de la traversée où, en butte à un vent du sud-ouest, il a eu d’abord vent de côté, puis, sur la côte anglaise, pendant 6 à 7 kilomètres, en longeant la falaise, des environs de Deal jusqu’à Douvres, vent debout. Remarquons, en passant, qu’il eût pu atterrir dans la baie de Saint-Margaret.

Ce voyage téméraire, exécuté à la française, « avec l’intrépidité qui a toujours caractérisé notre race, » — c’est un Anglais qui l’a écrit, — eût d’ailleurs manqué de tout certificat britannique, si les douaniers de Douvres n’étaient intervenus pour mettre Blériot en règle avec les lois du pays, d’où le certificat ci-dessous :

« Je soussigné certifie que j’ai examiné Louis Blériot, maître d’un navire (monoplan) récemment arrivé de Calais, et qu’il appert des réponses orales dudit maître aux questions posées qu’il n’y a pas eu à son bord durant le voyage de maladies infectieuses nécessitant la détention du navire et qu’il est en conséquence libre de continuer son voyage. »

Passons le plus rapidement possible sur les félicitations que ce raid audacieux, et réussi, a valu à son auteur. Toutefois, mentionnons en premier lieu celles de la compagnie qui lui