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une ligne, puis l’aile et le corps de l’oiseau. Le spectacle est grandiose.

La Paix ! Les spectateurs qui sont à bord du contre-torpilleur ne pressentent qu’une chose, c’est qu’un jour ou l’autre, en temps de guerre, il faudra s’attendre à chaque instant à recevoir sur la tête, venant d’un dirigeable ou d’un aéroplane, 80 à 100 kilogrammes, de mélinite, de quoi faire sauter un cuirassé. On se battait sur terre et sous terre, sur l’eau et sous l’eau : on se battra bientôt dans les airs.

Cependant, Latham se rapprochant de plus en plus du navire, on distingue le fuselage, on perçoit même les mouvemens du gauchissement. Le destroyer, malgré sa vitesse, est bientôt dépassé. Il semble, à un moment donné, que l’appareil plane au-dessus de Douvres, et qu’il continue son vol vers l’intérieur de l’Angleterre. On ne doute plus du succès, et l’on s’apprête à le voir atterrir, ou disparaître à l’horizon. Troublant effet de perspective ! Brusquement, à 6 h. 21, l’oiseau décrit un arc de cercle très large. On le voit descendre, s’abattre comme un aigle frappé à mort en plein vol ; l’eau jaillit ; Latham est tombé à la mer, à 1 800 mètres de la côte anglaise, alors que la foule massée sur les jetées de Douvres, le voyant arriver, s’apprêtait à lui faire une chaleureuse ovation. Instantanément, les vaisseaux de la flotte anglaise de l’Atlantique, mouillée aux environs du port, dépêchent des embarcations ; d’autres navires font de même. Mais un canot de l’Escopette recueillait l’aviateur à son bord, trois minutes après sa chute. Une panne du moteur, pour la seconde fois, venait de l’arrêter.

Que nous apprennent surtout les expériences manquées de Latham ? Trois choses :

1° Que les monoplans « atterrissent, » nous l’avons déjà fait observer, aussi bien sur l’eau que sur terre, mieux peut-être ; 2° Qu’à l’heure actuelle, l’aviateur, comme le fait remarquer M. P. Souvestre, est le témoin impuissant des plus faibles défaillances de son moteur ; qu’il reste désarmé en face de ses fantaisies. En effet, qu’un fil d’allumage vienne à se détacher peu à peu, il devra assistera ce désastre sans pouvoir rien faire pour y remédier ! Il semble donc nécessaire, désormais, de s’arranger pour lui adjoindre un mécanicien, dont le rôle sera de surveiller le moteur ; 3° Enfin...

...Pour une fois, M. E. Archdeacon nous permettra de ne pas