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Nancy, le Gross, ballons souples ou semi-rigides, en ont fait autant à quelques kilomètres près. Mais le raid des 29, 30 et 31 mai dernier, du même Zeppelin II, mérite au plus haut point d’être admiré.

A 9 h. 45 du soir, le rigide quittait son hangar de Friedrichshaven, planait au-dessus d’Ulm, atteignait Nuremberg à 8 h. 15, Bayreuth à 10 h. 30, Leipzig à 5 h. 20 du soir (30 mai). L’Empereur s’attendait à le voir venir à Berlin, dont il n’était qu’à 100 kilomètres à 7 heures du soir, mais la violence du vent l’en empêcha : — il a peut-être eu tort de ne pas chercher à le braver, comme il fit le 2 août, aux environs de Bonn, lors de sa première tentative pour se rendre, d’une seule traite, de Francfort à Cologne. — Quoiqu’il en soit, renonçant à atteindre Berlin, il vire, passe sur Halle, à 7 h. 30 du soir, sur Weimar, à 3 h. 30 du matin, à Stuttgard à 9 h. 15, et, manquant de lest, va briser son avant contre un poirier, à Gœppingen, à 10 h. 15 du matin. Il n’en avait pas moins plané pendant 36 heures de suite, parcouru 1 000 kilomètres environ, battant de loin tous les records de durée et de distance, en dirigeable, bien entendu. A Gœppingen, sa perte eût été certaine si l’on n’avait eu soin, lors de sa construction, de le fractionner par des cloisons étanches qui assurent l’intégrité des portions de la machine non lésées. Mais enfin, il ne s’est pas perdu et, par les seuls moyens du bord, il a pu arriver jusqu’à 60 kilomètres de son port d’attache. Là, seulement, on a été forcé de lui fournir du gaz pour lui permettre de regagner son hangar.

Aussi, M. R. Quinton n’exagère pas lorsqu’il dit : « L’Allemagne, dans la lutte pour la conquête de l’air, nous suit de près. » De très près, ajouterons-nous, en admettant même qu’elle ne nous précède pas. Mais faut-il, pour cela, s’émouvoir outre mesure ? Nous ne le pensons pas. Somme toute, il résulte de cet article et des précédens que, dans l’état de choses actuel, dirigeables et aéroplanes, aéroplanes surtout, n’ont pour l’instant, en cas de guerre subite, qu’un rôle assez modeste à jouer. Le colonel Gœdke, le savant écrivain militaire allemand, ne pense pas autrement. Interrogé à propos du raid du 25 juillet :

« Cet exploit, a-t-il répondu, n’a qu’une importance militaire très minime, de même que jusqu’ici l’importance militaire des ballons dirigeables est très limitée. Il est naturellement indéniable que l’on pourra entreprendre un jour, en vue d’une