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faire connaître. Il rédigea, le 23 juillet 1808, une notice autobiographique intitulée : Relacion de meritos y servicios qu’il adressa au roi Joseph. Il exposait brièvement, et avec quelques infidélités de mémoire, sa carrière administrative en Espagne avant son départ pour le Maroc ; puis, arrivant au récit de ses voyages, il en racontait toutes les péripéties : les sept déserts qu’il avait traversés, les deux naufrages auxquels il avait échappé, etc. Il s’étendait sur les services qu’il avait rendus à sa patrie en toutes circonstances et en particulier dans des missions politiques du plus grand intérêt, en operaciones politicas del mayor momento ; il rappelait les liens d’amitié qui l’unissaient à trois souverains musulmans et aux principaux chefs turcs et arabes. Il prétendait que le roi Charles IV, en reconnaissance de ses services, l’avait élevé, le 16 août 1804, au grade de brigadier, mais que le brevet de sa nomination, gardé par le prince de la Paix, avait été égaré[1].

Le gouvernement du roi Joseph avait alors autre chose à faire que de s’occuper des états de services de Badia. Sous l’épouvante du désastre de Baylen, il se décidait à évacuer la capitale huit jours après y être entré. Domingo Badia resta à Madrid sans emploi et sans traitement, dans une situation très précaire, ayant à sa charge sa famille qui était sur le point de s’accroître d’un second fils. Il avait entre temps sollicité l’autorisation de se rendre à Paris pour préparer l’édition de ses ouvrages, ainsi que Champagny le lui avait demandé, mais cette permission lui avait été refusée. Enfin, le 26 septembre 1809, Badia, nommé intendant de Ségovie, fut attaché par un lien officiel au parti des afrancesados qu’il servit avec zèle, combattant avec acharnement les agissemens de la junte insurrectionnelle de Séville. Au lendemain de la défuite des Espagnols à Ocana (19 novembre 1809), il faisait afficher sur les murs de Ségovie une proclamation où se lisait cette phrase ironique : Tales son los triunfos que la junta de Sevilla prépara a sus desgraciados defensores. Elle se terminait par cette objurgation cicéronienne : Hasta quando, Españoles, prodigareis vuestras vidas en defensa de quatro hombres fanaticos o perversos que sacrifican la España a sus pasiones ?

Nul ne soupçonnait à Ségovie l’origine catalane du nouvel intendant aux manières orientales ; on savait confusément qu’il

  1. C’est en s’appuyant sur cette nomination que Badia prit plus tard le titre de général.