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oser passer outre au principe consacré qui exclut l’Aventin de la ville. Il faut que cette tradition soit bien puissante pour qu’elle s’impose à un esprit par ailleurs si ouvert, si hardiment tourné vers l’avenir.

Auguste, sur ce point, adopte une solution intermédiaire. Du reste, Auguste est un peu, toujours et partout, l’homme des compromis, des combinazioni. Son gouvernement, par exemple, est une forme mixte où la république et la monarchie sont savamment dosées, si savamment que les historiens, depuis Tacite jusqu’à M. Ferrero, n’ont pu se mettre d’accord pour en définir la vraie nature. Or, ce qu’il est dans sa politique constitutionnelle, il l’est également dans la question particulière qui nous occupe. D’un côté, il sent bien que le quartier de l’Aventin s’est prodigieusement développé, qu’il est devenu à la fois beaucoup plus important et plus semblable.au reste de la ville, qu’il y aurait injustice et absurdité à le laisser en dehors de Rome. D’autre part, il ne veut pas, lui qui affiche un si pieux respect du passé, changer quoi que ce soit à l’enceinte sacrée. Alors, que fait-il ? Il superpose à l’ancienne division de la ville une nouvelle organisation, purement administrative, qui ne détruit ni ne confirme la première, qui en diffère par essence, et qui embrasse tous les nouveaux quartiers, y compris la colline Aventine. Mais il ne touche pas au pomerium. Sa façon d’agir ressemble donc un peu à la réforme servienne. Avec lui, l’Aventin entre dans la ville, il fait partie des mêmes cadres que les autres « régions » de Rome ; il participe aux mêmes avantages, notamment à la protection de la garde municipale ; il a, si l’on peut dire, un état-civil. Mais de la Rome véritable, authentique et pure, de la Rome pomériale, il demeure encore éliminé.

Ce dernier pas qui lui reste à faire, il le franchit sous le règne de Claude. M. Merlin l’affirme, après des écrivains dont le témoignage est incontestable : et il a raison de l’affirmer, mais il a peut-être tort de prétendre que la décision de Claude n’est que « la conséquence logique et nécessaire » de celle d’Auguste. Il est très probable, au contraire, que les anciens ont vu entre les deux un abîme : on sait combien les noms, les titres, les formes, comptaient à leurs yeux, surtout quand il s’agissait, comme ici, de coutumes placées sous la sauvegarde de la religion. En abroger une était une singulière hardiesse, que pouvait seul accomplir un prince du caractère de Claude. Claude est en effet un