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vents, elle devint très vite le grand entrepôt de toute la contrée. C’est là que les laboureurs du Latium et les pâtres de la Sabine venaient faire leurs provisions. C’est là aussi qu’affluaient tous les marchands étrangers, Etrusques, Campaniens, Tarentins, Siciliens, Carthaginois, Grecs, Asiatiques même, tous les hommes à la longue robe et à la parole insinuante : ils arrivaient dans ce « bazar » des bords du Tibre avec leurs cargaisons bariolées de laines et de soies, d’or, d’argent et de cuivre, de fruits exotiques, d’armes et d’outils curieusement travaillés, de tapis et de meubles, de parfums et de fards ; ils étalaient complaisamment toutes ces richesses tentatrices, dont on n’avait guère l’idée dans les fermes de la campagne latine, ni dans les montagnes sauvages des contreforts de l’Apennin. Rome était ainsi le lieu de contact où la grossière pauvreté des paysans italiotes, dont elle-même était issue, se rencontrait avec la civilisation riche et raffinée des contrées lointaines.

C’est ici que nous allons voir se dessiner le rôle de l’Aventin. Qu’elles vinssent d’Italie ou d’outre-mer, du Nord ou du Midi, les marchandises ne pouvaient guère lui échapper. On sait quels étaient les chemins que les échanges économiques avaient à leur disposition : d’abord, le Tibre, la grande route commerciale du Latium, comme dit Mommsen ; ensuite, la voie Appienne et la voie Latine, qui, venues, l’une de la région côtière du Sud et l’autre de la région montagneuse, se réunissaient pour traverser la ville et se prolonger au Nord par la voie Flaminienne. Or l’Aventin, à l’Ouest, dominait le Tibre, dont il était plus rapproché qu’aucune autre des sept collines ; et à l’Est, la voie Appienne, confondue avec la voie Latine, passait dans la dépression qui le séparait du Cælius : en sorte qu’une caravane, par exemple, allant d’Etrurie en Campanie ou vice-versa, qu’elle empruntât la voie fluviale ou la route de terre, ne pouvait faire autrement que de défiler au pied de l’Aventin. Quant aux marchands qui prenaient Rome même comme terme de leur voyage, les plus nombreux d’entre eux venaient, soit de la Grande-Grèce, soit de Sicile, de Grèce ou d’Afrique, plutôt que de l’Italie du Nord ; l’Aventin était donc le premier point qu’ils vissent en approchant de Rome. Virgile, fidèle à son habitude de transporter dans son épopée les usages courans de son siècle pour leur donner la consécration de la poésie et de l’antiquité, décrit une de ces arrivées de voyageurs étrangers : c’est au pied de l’Aventin, dans