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son Histoire de la symphonie, trop d’honneur à Haydn en n’honorant que lui. « Toute une petite armée d’artistes, nous dit-elle, reprend place dans le tableau de l’origine des grandes formes instrumentales, où Haydn ne joue plus le rôle miraculeux d’inventeur qu’on lui a longtemps attribué : à peine, en escomptant une faible différence d’années, essayait-on de lui donner Gossec pour devancier ; à peine hésitait-on à admettre que la symphonie, forme par excellence de la musique pure, était issue d’un acte subit du génie, et à peu près tombée du ciel comme un aérolithe. Pas plus dans le champ de la composition musicale que dans celui des autres arts ou des sciences, pareille puissance n’a jamais appartenu à un seul homme. La gloire de Haydn ne se trouvera pas amoindrie par ce que l’on aura recherché et, quelque jour, découvert, les fondations sur lesquelles il a élevé de durables monumens. « 

Avec autant de conscience que de science, Mlle Brenet vérifie les fondations, et passe la revue de la « petite armée. « Ainsi la vérité, — la vérité d’aujourd’hui, — c’est que, « au moment où Haydn commença d’écrire des symphonies, les signes regardés comme caractéristiques du genre apparaissaient déjà, isolés ou réunis, dans une quantité considérable d’ouvrages de toutes provenances. » Mais la vérité aussi, vérité de fait, sinon de droit, vérité reçue, ou convenue, souvent plus forte et plus vraie que l’autre, c’est le vieil adage latin : Pater is est quem nuptiæ demonstrant. Or, que savons-nous, je vous prie, de ces étrangers, de ces nouveaux prétendans ? Le son de leur voix est-il arrivé seulement à nos oreilles ? Haydn, au contraire, nous le connaissons, nous l’aimons, et depuis notre enfance. Voilà pourquoi, longtemps encore, sa gloire sera la plus forte, l’unique même, il continuera d’être l’époux, celui dont nous avons vu les noces avec la musique, les noces joyeuses, et le titre de père de la symphonie, en dépit de l’érudition, ne lui sera pas de sitôt enlevé.

Une autre paternité, qu’on ne lui dispute pas encore, est celle, en quelque sorte, de son propre génie. Haydn, au moins pendant sa jeunesse, n’eut pour maître, ou peu s’en faut, que lui-même, et la vie. Vie humble, de bonne heure errante et surtout populaire, comme la naissance et la famille du grand musicien. Son père, le charron de Rohrau, aimait le chant, ou plutôt les chansons. Quelquefois il s’accompagnait, vaille que vaille, sur une vieille harpe, et, le dimanche, il mêlait volontiers sa voix à celle de sa femme, de ses nombreux enfans et de ses voisins. Le premier signe que donna de sa vocation le petit « Sepperl, » fut, un jour qu’un ménétrier faisait danser la société, d’imiter, avec